La culture et l’utilisation du safran à travers le monde prouvent bien une chose : la fabuleuse odyssée de cette épice vagabonde est bercée par l’histoire de l’Homme, ses conquêtes et ses voyages. Il n’est pas toujours aisé d’en retracer sa route tant sa culture a pu être mise à mal par les guerres.
Elle a toutefois été un symbole de paix si l’on en croit cette légende :
“Alexandre Le Grand, prêt à conquérir le Cachemire en 326 av. EC, installa son camp, un soir d’automne, dans une prairie. Seulement, au matin, il découvrit son armée au milieu d’un océan de fleurs mauves, apparues subitement pendant la nuit, comme par magie. Les 120 000 soldats, effrayés par ce spectacle impressionnant, ressemblant à un drap mortuaire, crurent à un sortilège et refusèrent d’aller plus loin… Alexandre Le Grand donna l’ordre du retour, contraint de se plier aux volontés de ses soldats.”
Au printemps ou à l’automne, Crocus et Colchiques se rencontrent fréquemment à l’état naturel. Dans la plupart des régions de France, la confusion est presque impossible en raison des différents moments de floraison entre les espèces les plus répandues. Mais dans d’autres, où prospèrent des espèces beaucoup moins courantes, tout n’est pas si simple.
Cependant, même si en apparence ces fleurs à bulbes se ressemblent, plusieurs caractéristiques permettent de les distinguer sans difficulté.
Safran : origine d’une épice appréciée dans le monde entier
Bien que l’évolution et l’aire d’origine du safran font depuis longtemps l’objet de débats, de récentes recherches s’accordent à dire que cette plante serait originaire de Crète et non du Cachemire. En effet, l’ancêtre sauvage de Crocus sativus serait Crocus cartwrightianus, une espèce native de Crète.
Crocus cartwrightianus : le safran originaire du bassin méditerranéen.
L’espèce Crocus cartwrightianus se rencontre couramment à l’état sauvage dans les zones calcaires de la péninsule de l’Attique, en Grèce. Cette espèce ressemble de près au safran cultivé, Crocus sativus, et est considérée comme son parent le plus proche.
La route du Safran : “L’Or rouge”, star des épices
Cette épice baroudeuse a conquis le monde entier à différentes époques. Portée par les conquêtes et les peuples explorateurs, elle a été introduite et parfois même réintroduite, dans de nombreux pays.
- Les Phéniciens ont introduit la plantation du crocus à safran et son utilisation dans les cultures chinoise, grecque, indienne et perse (qui l’ont amené dans la région du Cachemire).
- L’Empire romain a également contribué au rayonnement du safran à travers le monde. Les colons emmenaient avec eux la célèbre épice en Gaule et en Afrique du Nord notamment. Ils en faisaient connaître les usages et installèrent alors des cultures qui disparaîtront avec l’effondrement de l’Empire romain d’Occident.
- Au XIVe siècle, lors de leurs conquêtes, les Arabes ont réintroduit le safran en Espagne, en France et en Afrique du Nord.
- L’Angleterre devient le premier producteur de safran en Europe : lors de la peste noire, le safran est très recherché pour ses supposées vertus médicinales contre ce fléau.
- En 1730, les Allemands exportent “l’Or Rouge” aux États-Unis.
La culture du Safran dans le monde
Les cultures de safran se concentrent sur la même latitude géographique depuis le bassin méditerranéen (Espagne, Maroc, France, Italie et Grèce), jusqu’au États-Unis, en passant par le Moyen-Orient, l’Inde et la Chine. Tous ces pays sont les producteurs historiques du safran.
En 2019, la production mondiale atteint 150 000 kilos. Les plus gros pays producteurs et exportateurs sont :
- L’Iran
- L’Espagne
- La Chine/Hong Kong
- L’Arabie Saoudite
- Émirats arabes unis
- l’Inde…
Utilisations du Safran : cuisine, médecine, teinture
Avec sa saveur de miel aux notes métalliques, sa senteur rappelant le foin et sa couleur rouge, le safran a été utilisé par de nombreuses cultures et civilisations pour ses qualités gustatives, ses propriétés médicinales et ses propriétés tinctoriales.
Safran : les « filaments rouges », stars en cuisine.
Le safran se retrouve dans les traditions culinaires européenne, asiatique, arabe et américaine. Ainsi, ces filaments rouges sont incontournables dans la fameuse soupe de poissons française, la bouillabaisse, dans la paella valenciana espagnole, dans le chelow kebab en Iran, dans les tajines marocains, pour parfumer le riz en Inde… Son prix élevé (il faut plus de 150 000 fleurs pour produire un kilo de safran dont la récolte est exclusivement manuelle) peut en décourager l’usage. Mais il faut savoir qu’avec le VRAI safran, quelques pistils (aussi appelés stigmates ou filaments) suffisent à parfumer un plat pour 10 personnes.
Les vertus médicinales du Safran
Le crocus à safran est également cultivé pour ses bienfaits thérapeutiques. Durant des siècles, son utilisation a évolué :
- En Égypte, il était reconnu pour ses vertus aphrodisiaques et antipoisons.
- Au Moyen-Âge il était utilisé pour traiter les infections respiratoires.
Certaines études scientifiques récentes ont montré que les caroténoïdes contenus dans le safran ont des propriétés anticancéreuses et antioxydantes.
Il est important de savoir qu’à haute dose, le safran peut être létal.
Les propriétés tinctoriales du Safran
Depuis la Haute Antiquité, le safran aurait aussi été utilisé comme colorant. Bien que quelques stigmates suffisent à teindre un tissu d’une couleur jaune très lumineuse, avec une quantité plus importante, la coloration tendra vers un rouge plus profond. Ce colorant naturel est également adopté en Inde par les moines bouddhistes pour leurs tenues.
L’histoire passionnante du Safran dans le monde est riche et complexe comme sa saveur. Les conquêtes et les voyages des Hommes rythment la route de l’ “Or rouge”, cette précieuse épice nomade qui n’a pas fini de faire parler d’elle !