Note Juridique

NOTE RELATIVE AU STATUT JURIDIQUE DU CRESSON DU PARA (Acmella oleracea)

 

La Brède mafane ou cresson du Pará (Acmella oleracea) est une espèce de plante herbacée de la famille des Asteraceae, cultivée principalement dans les îles de l’Océan Indien.

 

La présente note vise à déterminer le statut juridique du cresson du Parà. Il s’agit notamment de savoir s’il doit être qualifié, ou non, de médicament.

 

L’article L. 5111-1 du Code de la santé publique donne deux définitions de la notion de médicament : une définition « par présentation » et une définition « par fonction » :

 

  • Est un médicament par présentation toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l’égard des maladies humaines ou animales.

 

Pour déterminer si une substance est un médicament par présentation, le juge apprécie s’il existe des indications de dosage, de posologie ou de méthodes thérapeutiques, ou encore des allégations de propriétés thérapeutiques (Cass. Crim., 4 octobre 1995, n°94-84.322). Le seul fait que la plante soit décrite comme ayant des propriétés préventives ou curatives suffit à considérer qu’il s’agit d’un médicament, même si elle est généralement considérée comme un produit alimentaire (CJCE, 28 octobre 1992, C-219/91).

 

  • Est un médicament par fonction toute substance ou composition pouvant être utilisée chez l’homme ou chez l’animal ou pouvant leur être administrée, en vue d’établir un diagnostic médical ou de restaurer, corriger ou modifier leurs fonctions physiologiques en exerçant une action pharmacologique, immunologique ou métabolique.

 

Pour déterminer si une substance est un médicament par fonction, le juge apprécie la littérature scientifique pour déterminer si les propriétés pharmacologiques de la plante ont été scientifiquement constatées (CJCE, 15 novembre 2007, n°C-319/05). Seuls peuvent constituer des médicaments par fonction les produits contenant des substances ayant des propriétés pharmacologiques et qui sont exclusivement destinés à un usage thérapeutique (Cass. Crim., 1er avril 2003, n°02-86.292).

 

Or, un ensemble d’éléments permettent de démontrer que l’usage du cresson de para n’est pas exclusivement thérapeutique ; il peut par exemple être utilisé en cuisine : il ne s’agit donc pas d’un médicament par fonction.

 

Au vu des qualités médicinales des cressons de Pará reconnues par de nombreuses études pharmacologiques[1], il pourrait être reconnu comme un médicament par présentation.

 

Dans ce cas, il se verra appliquer le régime de l’autorisation de mise sur le marché délivrée par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM)[2].

 

En outre, un enregistrement en tant que « médicament traditionnel à base de plante » pourrait être envisagé.

 

Cette qualification permet d’avoir recours à une procédure allégée d’autorisation de mise sur le marché à cinq conditions :

  • Le médicament doit être conçu pour être utilisé sans l’intervention d’un médecin à des fins de diagnostic, de prescription ou de suivi du traitement[3];
  • Il doit être destiné à être administré selon un dosage et une posologie spécifiés ; 
  • Il doit être administré par voie orale, externe ou par inhalation ; 
  • La durée d’usage traditionnel doit être écoulée, correspondant à au moins 30 ans avant la date de la demande, dont au moins 15 ans dans l’Union européenne ;
  • Les données sur l’usage traditionnel du médicament doivent être suffisantes (notamment, l’innocuité du produit doit être démontrée dans les conditions d’emploi spécifiées).[4]

 

En tout état de cause, le cresson de Pará est cité dans la Liste A (Pharmacopée Française – 2021[5]) : « Liste des plantes médicinales utilisées traditionnellement ». A ce stade, l’inscription sur cette liste permet donc au cresson de Pará d’être utilisé par les pharmaciens pour leurs préparations d’officine ou être obtenue sur prescription médicale individuelle.

 

Au niveau européen, le cresson du Parà n’est pas répertorié dans le catalogue des nouveaux aliments (« novel food »)[6].

 

Par ailleurs, le cresson du Pará est une plante autorisée dans les compléments alimentaires, au sens de l’arrêté du 24 juin 2014 établissant la liste des plantes, autres que les champignons, autorisées dans les compléments alimentaires et les conditions de leur emploi[7].

 

En effet, ce dernier arrêté autorise l’emploi du capitule et la feuille de cresson du Parà dans les compléments alimentaires.

 

On entend par compléments alimentaires les denrées alimentaires dont le but est de compléter un régime alimentaire normal et qui constituent une source concentrée de nutriments ou d’autres substances ayant un effet nutritionnel ou physiologique seuls ou combinés, commercialisés sous forme de doses, à savoir les formes de présentation telles que les gélules, les pastilles, les comprimés, les pilules et autres formes similaires, ainsi que les sachets de poudre, les ampoules de liquide, les flacons munis d’un compte-gouttes et les autres formes analogues de préparations liquides ou en poudre destinées à être prises en unités mesurées de faible quantité[8].

 

Le qualificatif de complément alimentaire n’est pas non plus sans contraintes, notamment en vertu du Décret n°2011-329 du 25 mars 2011[9], qui soumet à une procédure de notification obligatoire à la DGCCRF (Direction Générale de la Concurrence, Consommation et Répression des Fraudes) les compléments alimentaires préalablement à leur mise sur le marché.

 

 

[1] https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4827075/ ; https://blog.kokopelli-semences.fr/2018/02/les-qualites-extremement-medicinales-des-cressons-de-para/

[2] https://ansm.sante.fr/page/autorisation-de-mise-sur-le-marche-pour-les-medicaments

[3] Cette disposition exclut les indications pour maladies graves.

[4] Article L. 5121-14-1 du Code de la santé publique.

[5] https://ansm.sante.fr/uploads/2021/03/25/liste-a-des-plantes-medicinales-utilisees-traditionnellement-4.pdf

[6] https://ec.europa.eu/food/safety/novel_food/catalogue/search/public/?event=home&seqfce=228&ascii=O#

[7] https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000029254516/

[8] Décret n° 2006-352 du 20 mars 2006 modifié relatif aux compléments alimentaires – article 2, directive 2002/46/CE modifiée

[9] https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000023762197/