Situation légale Artémisia

Hors la Loi

Cet article est destiné à exposer le statut juridique de la plante Withania somnifera. 

Pour rappel, toutes les plantes médicinales inscrites au sein de la pharmacopée, à l’exception d’une liste de 148 substances de la liste A (article D. 4211-11 du Code de la santé publique), ne peuvent pas être vendues par des non-pharmaciens. Leur vente est même punie de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende au titre de l’exercice illégal de la profession de pharmacien, en application des articles L. 4211 5° et L. 4223-1 du Code de la santé publique. De plus, cette infraction est punie de la peine complémentaire de fermeture, pour une durée de cinq ans au plus, de l’établissement dans lequel l’infraction a été commise.

L’Ashwagandha (Withania somnifera) est inscrite au sein de la liste B des plantes médicinales de la Pharmacopée française. Cette liste regroupe des « plantes médicinales utilisées traditionnellement en l’état ou sous forme de préparation dont les effets indésirables potentiels sont supérieurs au bénéfice thérapeutique attendu ». Ces plantes sont donc considérées comme dangereuses et les pharmaciens eux-mêmes ne peuvent les vendre en l’état ni en préparations officinales.

En outre, contrairement à certaines plantes de la liste A, ces plantes ne peuvent pas non plus être vendues sous forme de compléments alimentaires (article D. 4211-12 du Code de la santé publique).

En France, l’Ashwagandha est donc interdite à la vente par les pharmaciens et par les non-pharmaciens sous toutes ses formes et sa vente est lourdement sanctionnée.

Pour l’instant, l’Ashwagandha ne figure pas non plus dans la Pharmacopée européenne. Comme en matière de médicament tout ce qui n’est pas autorisé est interdit, l’Ashwagandha est donc pour l’instant interdite pour des usages de santé dans tous les États parties de la Convention relative à l’élaboration d’une pharmacopée européenne du 22 juillet 1964, c’est-à-dire les États de l’Union et d’autres États parties, sous réserve qu’aucun État n’ait autorisé la plante par la voie d’une pharmacopée nationale. 

Cependant, les choses pourraient évoluer. L’Ashwagandha est en effet en cours d’inscription au sein de la Pharmacopée européenne. Or, les dispositions de la Pharmacopée européenne sont directement applicables. Cela ressort de la Convention précitée et de la Directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001. En application de cette directive, la pharmacopée européenne a été intégrée au droit interne et l’article L. 5112-1 du Code de la santé publique prévoit que « la pharmacopée comprend les textes de la pharmacopée européenne et ceux de la pharmacopée française ».

Que se passera-t-il donc si la pharmacopée européenne considère que les effets indésirables potentiels sont inférieurs au bénéfice thérapeutique attendu, en contradiction avec l’inscription de la plante dans la liste B des plantes médicinales de la pharmacopée française ?

Le principe de primauté du droit de l’Union (Cour de justice du 15 juillet 1964, Costa contre E.N.E.L., 6-64) implique que si une règle nationale est contraire à une disposition européenne, les autorités des États membres doivent appliquer la disposition européenne. Par suite, si la monographie européenne de l’Ashwagandha, c’est-à-dire la description botanique de la plante, de ses usages traditionnels et thérapeutiques, de ses activités biologiques et pharmacologiques, reconnaît son absence de toxicité en l’état ou sous forme de préparation officinale, la pharmacopée française devrait être modifiée pour permettre ces usages et l’Ashwagandha pourrait alors être vendue en France. Cependant, seuls les pharmaciens pourront la vendre, en application de l’article L. 4211 5° du Code de la santé publique.

C’est la Commission européenne de Pharmacopée qui en décidera. Pour l’instant, le principe de l’inscription de la plante vient juste d’être accepté mais aucun travail d’analyse sur la plante n’a débuté. Lorsque le projet de monographie sera terminé, il sera publié sur le site de la Direction européenne de la qualité du médicament et des soins de santé. Il faudra alors saisir cette opportunité pour déposer des commentaires sur ce projet et mettre en avant les prodigieux usages traditionnels et thérapeutiques de cette plante.

N’oublions cependant pas que l’inscription de l’Ashwagandha au sein de la Pharmacopée européenne a peut-être pour objet, non de permettre la vente de la plante en vrac ou sous forme de préparation traditionnelle, mais de permettre sa vente sous forme de spécialité pharmaceutique. Auquel cas, il s’agira d’un médicament préparé à l’avance dont la substance active serait issue de l’Ashwagandha et dont la mise sur le marché dépendra de la délivrance d’une autorisation de mise sur le marché. La nécessité d’identification de cette seule molécule active est en contradiction avec les pratiques de la médecine traditionnelle, basée sur des plantes dont les molécules actives se comptent par dizaines et agissent en synergie.

Ainsi, le statut juridique de l’Ashwagandha pourrait évoluer dans les années à venir et elle sera peut-être bientôt utilisée à des fins de « santé », sous formes controlées. Parmi ces hypothèses, une chose est sure, si la vente de préparations pharmaceutiques est autorisée, cela ouvrira un business encore plus lucratif autour de l’Ashwagandha, mais ne promettra, en aucun cas la libération de son usage par et pour tous.

Ces états juridiques nous ont été fournis par le cabinet d’avocats Artemisia.