Pour le semencier, qu’il soit professionnel ou amateur, connaître le fonctionnement des différents modes de reproduction des plantes est essentiel, tant pour le maintien et la préservation des variétés anciennes que pour la création de nouvelles ressources au profit du domaine public. Ce savoir est également utile aux jardiniers ou aux maraichers, car, bien souvent, même si l’intérêt pour la semence est secondaire ou absent, une bonne pollinisation sera synonyme d’une bonne récolte !
En effet, c’est la connaissance théorique — qui peut paraître assez rébarbative au premier abord — de la sexualité et des modes de reproduction des plantes qui va, sur le terrain, permettre la mise en place efficace de techniques d’isolement ou de croisement telles que l’application de distances entre deux variétés de la même espèce, la pollinisation manuelle, les tunnels anti-pollen ou anti-insectes pollinisateurs, etc.
Il aurait été trop aisé que les plantes aient eu, comme l’homme, une seule méthode de reproduction. Il n’en est rien, car, même si le principe est le même (fécondation d’un ovule par une cellule reproductrice mâle, tout comme chez l’homme), il existe une foultitude de différents cas de figure (et je ne les aborderai pas tous ici !).
Il est possible, dans un premier temps, de séparer deux “types” de plantes : les plantes allogames, pollinisation des fleurs par le pollen d’autres fleurs de la même espèce (ou d’une autre espèce dans des cas spécifiques), et les plantes autogames. Attention, l’autogamie complète n’existe pas vraiment dans la nature. Un exemple frappant : En partant du principe que le riz est strictement autogame, comment est-ce possible de répertorier plus de 260 000 variétés de riz ? Il faut en déduire que le concept d’autogamie est relativement humain et arrange dans beaucoup de cas les industriels de l’agro-alimentaire. En effet, l’introduction d’un soja OGM en plein champ est largement facilitée par la soi-disant autogamie de l’espèce.
Ainsi, essayons de décliner et de comprendre les différentes méthodes de reproduction :
- Les plantes “Dioïques” (en latin botanique “dioecia” ce qui signifie “deux maisons”). La reproduction se fait comme chez l’homme, une plante portant les fleurs mâles et une plante portant les fleurs femelles. Cette méthode de reproduction est donc simple à comprendre. Les insectes ou le vent transportent le pollen des fleurs mâles vers les fleurs femelles. Mais peu d’espèces sont finalement dans ce groupe : Figuier, Chanvre, Kiwi, Pistachier, Papayer, Houblon, Épinard, Grande Ortie, etc.
- Les plantes “Monoïques” (une seule maison). La plante est à la fois mâle et femelle. Une grande partie des espèces cultivées font partie de ce groupe. Mais attention, c’est au sein de ce groupe que les complications arrivent à cause des différents types de fleurs qui déterminent la manière dont l’espèce va se reproduire.
- Les fleurs unisexuelles : la plante est porteuse de fleurs mâles et de fleurs femelles. Ce mode de reproduction, dont les insectes sont en général le principal vecteur de pollinisation, est propice à la pollinisation croisée “interplante” et “intervariétale” favorisant ainsi le brassage génétique. Les espèces ayant adopté ce mode de reproduction sont ainsi “allogame”. Certaines espèces peuvent également (il existe d’autres cas plus complexes et plus rares que nous n’aborderons pas ici) :
- porter des fleurs uniquement femelles et des fleurs hermaphrodites (il y a alors une gynomonécie quand ces deux fleurs sont réunies sur une même plante et une gynodiécie quand elles sont séparées sur des plantes différentes, c’est le cas du thym).
- porter des fleurs uniquement mâles et des fleurs hermaphrodites (il y a alors une andromonécie quand ces deux fleurs sont réunies sur une même plante et une androdiécie quand elles sont séparées sur des plantes différentes).
- porter des fleurs uniquement mâles, des fleurs uniquement femelles et des fleurs hermaphrodites (il y a alors une trimonécie quand ces trois types de fleurs sont réunies sur la même plante, le marronnier par exemple, et une triécie quand chaque type est présent sur une plante différente comme chez le frêne).
- Les fleurs bisexuelles ou hermaphrodites : la plante est porteuse de fleurs qui sont à la fois mâles et femelles. Là encore, comme beaucoup d’espèces ont adopté ce mode de reproduction, il y a des différences au sein de ce groupe !
- Les fleurs “auto-fécondes” ou fleurs parfaites : le pollen libéré par les anthères des étamines de la fleur va polliniser les pistils de la même fleur. Aucun pollinisateur n’est nécessaire pour la fécondation et l’espèce est donc autogame. Néanmoins, de nombreux facteurs peuvent rendre ces fleurs pollinisables par les insectes ou le vent. Nous préférons donc parler d’autogamie préférentielle.
- Les fleurs “auto-stériles” : les fleurs, bien que composées de la partie mâle et femelle, doivent être pollinisées par le pollen d’une autre fleur. Et cette auto-stérilité, qui favorise énormément le brassage génétique, doit être divisée en deux groupes :
- au niveau de la fleur : le pistil peut être pollinisé par le pollen d’autres fleurs de la même plante ou même de la même ombelle (carotte, panais, fenouil, etc.) mais ne peut pas être fécondé par le pollen des étamines de la même fleur. Cela à cause d’une incompatibilité de maturité entre les différents organes reproducteurs. Dans certains cas, les anthères vont libérer leur pollen avant la maturité du stigmate et dans d’autres cas, le stigmate est prêt à recevoir le pollen alors que les anthères de la même fleur ne seront pas à maturité complète.
- au niveau de la plante : même si la fleur est composée des parties mâles et femelles, le pistil doit obligatoirement être fécondé par le pollen des étamines d’une autre plante car un pollen génétiquement identique sera automatiquement “rejeté”.
- Les fleurs unisexuelles : la plante est porteuse de fleurs mâles et de fleurs femelles. Ce mode de reproduction, dont les insectes sont en général le principal vecteur de pollinisation, est propice à la pollinisation croisée “interplante” et “intervariétale” favorisant ainsi le brassage génétique. Les espèces ayant adopté ce mode de reproduction sont ainsi “allogame”. Certaines espèces peuvent également (il existe d’autres cas plus complexes et plus rares que nous n’aborderons pas ici) :
Ainsi, la pollinisation a lieu lorsque les insectes ou le vent transportent les grains de pollen vers le stigmate des fleurs voisines (le maïs peut libérer jusque 25 millions de grains de pollen par plante voyageant, potentiellement, par temps très sec à plus de 50 km avec le vent). Mais elle peut également avoir lieu par simple contact des anthères pleines de pollen sur les stigmates dans le cas des fleurs “auto-fécondes”. Il est par contre à noter que la température et l’hygrométrie ne doivent pas être trop extrêmes afin que la fécondation ait bien lieu (l’exemple des fleurs de tomates qui “coulent” à cause d’un excès de chaleur dans une serre illustre bien ce principe).