Chapitre 7 de l’ouvrage de Stephen Harrod Buhner : Plant Intelligence and the Imaginal realm.
Traduction et publication par Xochi autorisées par l’auteur.
« Du point de vue évolutif, la sérotonine a existé chez les plantes bien avant l’émergence des animaux. En fait, la sérotonine peut être corrélée à l’évolution de la vie elle-même, plus particulièrement au travers du rôle du tryptophane, une molécule qui en est son précurseur. » Efrain Azmitia
« L’ADN connecte toute vie sur Terre à un code biochimique commun. » Kim Dawson
« Les neurones de la sérotonine évoluèrent à partir des plantes en tant que système régulateur général, qui réagit aux stimuli externes, afin de réaliser l’instabilité requise par l’homéostasie. » Efrain Azmitia
Le système biologique auto-organisé, élégant et extrêmement sensible, que nous appelons la Terre, comme tous les autres systèmes auto-organisés, existe juste de l’autre côté du seuil de l’auto-organisation. Et comme tous les systèmes auto-organisés, il est constamment confronté par des événements qui affectent son homéostasie. L’une des innovations que Gaïa a générées, pour gérer cette situation, ce sont les réseaux neuronaux que tous les systèmes auto-organisés possèdent.
Les réseaux neuronaux constituent une innovation très antique dans le système Gaïen et ils existent sous une large diversité de formes. Ils fonctionnent afin de traiter des flux de données entrantes et ils aident les systèmes vivants à générer des réponses eu égard à ces données. Plus ces réseaux neuronaux sont mutables, plus ils sont capables de réagir aux dynamiques environnementales, à jamais imprévisibles, dont tous les systèmes auto-organisés font l’expérience. La plasticité, ainsi que la capacité de création de nouvelles formes neuronales, leur sont donc intrinsèques – de la bactérie à l’humain et tout ce qui se trouve entre eux. Ainsi que les chercheurs Ming et Song le commentent :
« Quarante années après la découverte de la neurogenèse postnatale, dans le virus dentelé (hippocampe) du rat, les investigateurs ont maintenant fermement prouvé qu’une neurogenèse active, à partir de progéniteurs neuronaux, continue durant toute la vie dans certaines régions du système nerveux central (SNC) de tous les mammifères, incluant les humains… La neurogenèse adulte représente un exemple frappant de plasticité structurale dans l’environnement mature du système nerveux central »1.
La plus grande partie du cerveau humain reste plastique (tout comme des régions d’autres réseaux neuronaux, tels que ceux des plantes, par exemple).
La plasticité synaptique fait référence à la capacité que possède le cerveau d’altérer sa structure, soit en réponse à des substances qui affectent le traitement neuronal, soit en réponse à des requêtes environnementales externes ou internes.
Ce vieux bobard scientifique – une prévarication, une manipulation, une croyance sans fondements, une fabrication, un mensonge, un faux rapport, une rumeur non fondée – quant au cerveau se figeant juste après la naissance n’est, et n’a toujours été, en fait, qu’une falsification.
Ou, peut-être, est-ce une vérité se rapportant aux fondamentalistes,
ou à l’essence profonde des fondamentalistes –
quels que soient leurs fondements respectifs.
Cependant, de nombreuses régions du cerveau restent hautement plastiques durant toute la vie. Par exemple, la glie,
le réseau délicat de tissus connectifs qui entoure et soutient les cellules nerveuses
et plus particulièrement les astrocytes,
les très nombreuses cellules, en forme d’étoiles, du cerveau et de la moelle épinière qui soutiennent les structures endothéliales du cerveau, pourvoient des nutriments aux nerfs et aident à réparer les neurones endommagés,
qui ont un rôle très actif dans la neurogenèse adulte. Ils affectent la prolifération et la spécification des progéniteurs neuronaux ainsi que la migration et l’intégration de nouveaux neurones dans des circuits neuronaux préexistants du cerveau adulte. Intrinsèquement, l’environnement, le tissu qui soutient le réseau neuronal, aide à initier et à élaborer la formation de nouvelles structures neuronales, dans tout le cerveau et la moelle épinière, en réponse à des stimuli sensoriels provenant du monde extérieur.
Il prévaut une réorganisation continuelle, induite par les expériences, des réseaux synaptiques du cerveau impliquant de multiples structures intercorrélées. Plus particulièrement : des expériences plus profondes de l’arrière-scène métaphysique du monde extérieur agissent comme des apports environnementaux et modifient, en réaction, la structure physique et l’organisation fonctionnelle du cerveau. Le cerveau n’est pas « câblé » ; il ne possède pas de circuits figés.
Certaines sections du cerveau sont particulièrement enclines à la restructuration neuronale – dont le bulbe olfactif, l’hippocampe et le cervelet. Le bulbe olfactif génère une grande diversité de progéniteurs neuronaux qui migrent et se différencient en grains et en neurones glomérulaires. En réponse à l’ouverture des seuils de filtration, ou à des influences environnementales de toutes sortes, la plasticité et la neurogenèse au sein du bulbe olfactif s’intensifient considérablement – de nouveaux réseaux neuronaux se formant alors.
Les sens du toucher et de l’odorat constituent les premiers vecteurs sensoriels que Gaïa innova et sont donc les plus anciens. Le bulbe olfactif possède ses racines au plus profond du cerveau et l’odorat peut générer des réactions immédiates de l’organisme beaucoup plus intensément que la vue ou l’ouïe.
Dans l’hippocampe, la plasticité synaptique et la neurogenèse sont primordiales. L’hippocampe est intimement impliqué dans tous les processus de mémoire et d’apprentissage – moins la plasticité synaptique et la neurogenèse prévalent, plus les processus de mémoire et d’apprentissage sont médiocres et moins est fonctionnelle la capacité de l’organisme de s’adapter aux exigences de l’environnement. Au sein de l’hippocampe, sont générés de nombreux neurotransmetteurs et neurotrophines en réponse à des influences environnementales ou à des seuils de filtration sensorielle plus ouverts ; ils sont hautement impliqués dans la plasticité neuronale.
Les neurotrophines constituent un groupe de molécules uniques qui promeuvent la survie, le développement, le fonctionnement et les relations structurelles des neurones. Parmi elles, on trouve le facteur de croissance des nerfs aussi connu sous le nom de NGF (Nerve Growth Factor), à savoir la neurotrophine-1 ; le facteur neurotrophique issu du cerveau, aussi connu sous le nom de BDNF (Brain-Derived Neurotrophic Factor), à savoir la neurotrophine-2 ; la neurotrophine-3 (à savoir NT-3) ; la neurotrophine-4 (à savoir NT-4). Tous sont hautement actifs dans l’hippocampe.
Le facteur de croissance des nerfs est fortement protecteur des neurones ; sans lui, ils se meurent relativement rapidement. Il est particulièrement actif durant le développement embryonnaire. Le facteur neurotrophique issu du cerveau protège et soutient aussi les neurones existants de toute lésion mais il stimule également la production, la croissance et la différenciation de nouveaux neurones et de nouvelles synapses dans le cerveau (ainsi que dans le système nerveux périphérique, les yeux, les reins, les glandes salivaires et la prostate).
Attendez! Ma prostate possède des substances chimiques cérébrales!
Il est donc vrai que les hommes pensent avec leurs …
Il est exceptionnellement actif dans l’hippocampe, le cortex cérébral et le diencéphale. La neurotrophine-3 agit similairement au BDNF ; c’est un facteur de croissance de nouveaux neurones, il favorise leur différenciation ainsi que la formation de nouvelles synapses. La neurotrophine-4 est moins connue mais elle semble agir de façon similaire.
Des nombreux neurotransmetteurs qui sont actifs dans l’hippocampe, l’un des plus cruciaux est la sérotonine, le 5-HT (5-hydroxy-tryptamine). En fait, la sérotonine joue de multiples rôles. Les agonistes de la sérotonine,
quel terme étrange, si proche d’agonie,
stimulent l’expression du facteur neurotrophique issu du cerveau, et autre neurotrophine, dans l’hippocampe,
Un agoniste est l’acteur principal, tout comme le pro-(t)-agoniste dans une histoire. Et sa racine étymologique est réellement agonie car le protagoniste est toujours déchiré par des conflits intérieurs et est toujours confronté à l’ant(i)-agoniste qui se tient dans le chemin de la réalisation des désirs du coeur. Le terme est dérivé de l’ancien Grec; les agonistes étaient des combattants, des prétendants, dans les jeux Olympiques.
et ils stimulent également les interneurones GABAergiques. Le GABA, l’acide aminobutyrique, est un neurotransmetteur majeur d’inhibition dans le système nerveux central qui agit afin de réguler l’excitabilité neuronale. Les interneurones GABAergiques sont des neurones qui élaborent et qui libèrent du GABA dans le cerveau et dans le système nerveux central. Le GABA est également important pour l’intégration spatio-temporelle dans l’hippocampe, à savoir la capacité de se localiser dans l’espace et dans le temps.
Il s’avère que – alors que la plasticité neuronale, et la filtration sensorielle, dans les diverses régions du cerveau et du système nerveux central, sont modulés par de multiples neurotrophines et neurotransmetteurs interagissant (et des systèmes de neurotransmetteurs, incluant les systèmes dopaminergiques, cholinergiques, GABAergiques et glutamatergiques) – de tous ceux-ci, le plus essentiel est, de loin, la sérotonine (5-HT).
La Sérotonine
Ce qu’il faut avant tout comprendre au sujet de la sérotonine, et de ses impacts étendus sur les réseaux neuronaux, c’est qu’il existe un nombre considérable de neuro-récepteurs 5-HT dans le cerveau, dans le système nerveux central et dans tout le corps – quelle que soit la forme de vie contenant le réseau neuronal. Chez les êtres humains, les récepteurs sont identifiés par le groupe auquel ils appartiennent. Il existe présentement sept groupes de récepteurs connus qui sont les récepteurs 5-HT 1-7, par exemple 5-HT1 ou 5-HT2. Il existe également au moins quinze sous-types de récepteurs de sérotonine dans les sept groupes. Ils sont désignés par l’addition de sous-lettres, par exemple 5-HT1a ou 5-HT2b. Les récepteurs 5-HT2a sont parmi les plus importants; ils sont exprimés dans tout le système nerveux central aux environs des régions riches en terminaux sérotoninergiques. Cela inclue de nombreuses régions dans tout le cerveau, dont le globe pariétal (qui intègre les informations sensorielles à partir de divers systèmes sensoriels), le cortex somatosensoriel (localisé dans le globe pariétal et qui constitue le centre principal de traitement pour le sens du toucher), le cortex préfrontal (qui est impliqué dans la cognition, l’expression de la personnalité, le comportement social et la prise de décision), le tubercule olfactif (qui est connecté avec de nombreuses régions du cerveau et plus spécifiquement les centres sensoriels qui traitent les données sensorielles entrantes) et les dendrites apicales des cellules pyramidales dans le cortex cérébral, l’hippocampe et les amygdales. Les récepteurs 5-HT2a sont localisés, en fait, partout où se produit de la filtration sensorielle.
En sus de tout le système nerveux, les récepteurs 5-HT2a sont également exprimés dans les plaquettes, dans le système cardiovasculaire, dans le système entérique, dans les mastocytes, dans les fibroplastes, sur les neurones dans le système nerveux périphérique et dans les monocytes humains.
Les récepteurs 5-HT2a sont essentiellement localisés dans tous les systèmes en contact avec le monde extérieur: le cerveau qui analyse les données sensorielles, et autres données, en provenance du monde extérieur ; le coeur qui ressent le toucher du monde sur lui au travers du champ électromagnétique qu’il génère; le système entérique qui ingère le monde extérieur ; le système immunitaire qui analyse tout contact extérieur quant à sa virulence potentielle.
Plus spécifiquement : il existe des réseaux neuronaux uniques dans le coeur (qui possède la faculté sophistiquée de ressentir les significations dans tout champ électromagnétique qui est rencontré), dans le système entérique (à savoir dans le tractus intestinal, ce qui permet à l’organisme d’analyser la nature des substances qui sont rencontrées, sans avoir à les ingérer, en ressentant leurs champs électromagnétiques), dans le système immunitaire (ce qui permet au système auto-organisé d’analyser la nature des menaces qu’il rencontre afin d’y parer en conséquence) et dans le cerveau (ce qui permet à l’organisme de traiter les données entrantes selon des voies hautement sophistiquées). Chacun de ces systèmes utilise la sérotonine au travers de réseaux étendus de récepteurs afin de faciliter des formes spécifiques de cognition, chacune d’entre elles étant essentielle au maintien de l’homéodynamique chez les êtres humains. La sérotonine, et tous ces types de récepteurs, ne sont pas, cependant, limités aux êtres humains. Ils sont omniprésents dans tous les systèmes vivants de la planète: dans les animaux, dans les insectes et dans les plantes. Et chez eux, ils jouent des rôles similaires.
Par exemple, dans la mouche du fruit, Drosophila melagonaster, les récepteurs 5-HT1a, 5-HT2 et 5-HT7 sont tous hautement impliqués dans l’apprentissage et la mémoire, et plus particulièrement lorsque des données olfactives sont traitées. Chez Manduca sexta, le sphinx du tabac, la sérotonine, et des récepteurs similaires, traitent les données sensorielles olfactives que le sphinx perçoit au travers de ses antennes. L’ouverture plus ample des seuils de filtration des récepteurs de sérotonine – induite par une augmentation de la consommation ou de la production de sérotonine – augmente la sensibilité du sphinx vis à vis de données olfactives entrantes, accroit sa discrimination olfactive et stimule sa rétention et son rappel des expériences. Les niveaux de sérotonine sont les plus élevés – et ce n’est pas étonnant – aux moments exacts de la journée où le sphinx a besoin d’être en résonance avec sa capacité de discrimination olfactive.
Il existe une raison pour laquelle les neurochimiques, tels que la sérotonine et la mélatonine, sont si profondément impliqués dans les rythmes circadiens.
Et chez l’abeille à miel, il existe un réseau neuronal gustatif, l’équivalent du système nerveux entérique humain, qui est hautement dépendant de la sérotonine, tout autant que de la dopamine, une autre molécule neuroactive importante – et de leurs récepteurs. Ainsi que Géraldine Wright le commente:
«Mes collaborateurs et moi-même avons établi que l’abeille mellifère possède la capacité d’apprendre à éviter les odeurs associées avec des toxines dans la nourriture en ayant recours à deux voies neurologiques indépendantes. Lors de ces expérimentations, nous avons découvert que les abeilles mellifères peuvent apprendre à associer des odeurs avec des toxines qu’elles peuvent, préalablement à la digestion, détecter au moyen de leur proboscis. Cette forme d’apprentissage est essentiellement réalisée au travers de la dopamine, un neurotransmetteur.»
« Préalablement à la digestion » , à savoir sans goûter. Elle continue…
« Nous avons également découvert un second mécanisme : les abeilles peuvent apprendre à éviter des odeurs associées avec le malaise généré par l’ingestion de toxines. Cette forme d’apprentissage est sous le contrôle de la sérotonine »2.
L’apprentissage du goût est sous le contrôle de la sérotonine dans le système entérique de l’abeille. (Ce même processus se manifeste chez les humains lorsque les bébés apprennent à aller à quatre pattes et commencent à porter des choses à la bouche). C’est non seulement le système immunitaire qui apprend – et se renforce par la même occasion – mais également le système entérique. C’est, en effet, au travers de ce processus qu’il apprend à déterminer la comestibilité de ces choses sans avoir à les goûter dans le futur ; il calibre les données sensorielles au travers des réseaux neuronaux du système entérique). On a trouvé, également, d’autres neuromédiateurs actifs dans le système sensoriel de l’abeille dont le glutamate et des endocannabinoïdes.
Des endocannabinoïdes… ne sont-ce pas ceux…?
Bien sûr que si !!
La sérotonine et les récepteurs 5-HT, dans les systèmes vivants, sont hautement impliqués dans l’analyse de la comestibilité de nourritures potentielles au travers, à la fois, de l’analyse du champ électromagnétique et du sens de l’odorat. Les nématodes qui ne possèdent pas de récepteurs 5-HT ne peuvent pas apprendre à éviter les odeurs associées avec l’ingestion de bactéries pathogènes. Les limaces, les seiches, les mantes et les sauterelles utilisent toutes, de la même manière, le système sérotonine pour le traitement des données gustatives et olfactives.
Cette capacité à déterminer la comestibilité au travers d’un diagnostic pré-ingestion,
elle est commune chez tous les êtres vivants. Mais vous ne pouvez la développer que si vous faites confiance à votre corps, si vous lui faites confiance pour sentir pour vous, ainsi qu’il est destiné à le faire. Comme Goethe le dit : « Cela fait une différence magnifique si vous trouvez en votre corps un allié plutôt qu’un adversaire ». La méfiance du corps nous abime en profondeur.
La sérotonine et les récepteurs 5-HT modulent également les réactions aux stimuli visuels, incluant le degré de perception visuelle et son interprétation au sein d’un large spectre de formes de vie incluant les abeilles mellifères et les drosophiles. Lorsque les seuils de filtration s’ouvrent plus grands en réaction à la sérotonine, la quantité de données visuelles entrantes s’accroît, tout autant que la sensibilité visuelle augmente et tout autant que l’analyse et les corrélations croisées des flux plus larges de données.
La sérotonine affecte également les relations individuelles/communautaires au sein des systèmes vivants. Chez la drosophile, elle est intimement impliquée dans les interrelations individu/communauté par le biais d’une modulation extensive des récepteurs sérotoninergiques. L’activation des récepteurs 5-HT2 décroit l’agressivité et augmente la coopération au sein de la communauté tandis que l’activation des récepteurs 5-HT1a tend à accroître l’agressivité et à réduire la coopération. Cette modulation sérotoninergique de la coopération se retrouve dans de nombreuses formes de vie, incluant les grillons, les crustacés, les rats, les chimpanzés, les humains et, bien sûr, les criquets pèlerins.
Histoires de criquets pèlerins
Les principales voies sensorielles, chez le criquet pèlerin, convergent dans les ganglions thoraciques plutôt que dans l’hippocampe comme chez les humains. Les données sensorielles – telles que les données visuelles et olfactives – y sont filtrées et traitées de la même manière que chez tous les systèmes vivants. Chez les criquets pèlerins, cependant, l’inclination pour les données sensorielles entrantes – par le biais d’impacts sur le système de la sérotonine et de ses récepteurs – d’altérer le phénotype, (dans cet exemple, le comportement), est extrême.
Les criquets pèlerins sont, par nature, des solitaires obsessionnels. Cependant, des données sensorielles émanant de l’environnement peuvent, une fois qu’un certain seuil est atteint, stimuler un changement rapide dans leur phénotype qui les fait se transformer en insectes hautement grégaires – au point, en fait, de se constituer en essaim.
Ils font preuve, comme les chercheurs l’expriment :
« d’une extrême plasticité phénotypique et ils passent d’une phase solitaire et discrète à la phase notoire grégaire et essaimante… Nous démontrons ici que la sérotonine, un médiateur de plasticité neuronale, conservé par l’évolution, est responsable de cette transformation comportementale, étant à la fois nécessaire et suffisant pour stimuler la grégarisation comportementale »3.
Les chercheurs commentent de plus que :
« la grégarisation comportementale, chez les criquets pèlerins, requiert l’interprétation de signaux complexes de conspécifiques induisant des transformations de long terme dans la manière dont les individus réagissent lors de rencontres futures. La grégarisation comportementale, donc, ressemble à une formation de mémoire, avec des expériences sensorielles spécifiques altérant un comportement futur, dans ce cas celui des criquets pèlerins. Cela implique une séquence de transformations qui crée un phénotype comportemental intégré adapté à un environnement biotique altéré »4.
En d’autres mots, des indices environnementaux, transférés par le biais de données sensorielles, génèrent une modulation sophistiquée des réseaux neuronaux des criquets pèlerins grâce à l’activité de la sérotonine et de ses récepteurs qui résultent en un changement immédiat et conséquent de comportement – essentiellement un changement de phase. La beauté de ce communiqué est telle qu’elle révèle qu’un système auto-organisé, restant proche du seuil de l’auto-organisation, module non seulement son génotype en réponse à un environnement altéré (comme le font les bactéries) mais tout autant son phénotype. Et dans ce cas, le comportement d’une espèce entière. Et ce faisant, l’espèce essaime et commence, à ce moment là, à agir comme un ensemble unifié, un système auto-organisé plus grand que ses composants individuels qui eux-mêmes possèdent une structure neuronale. C’est comme l’eau en glace. Un moment, un état, et ensuite quelque chose de complètement différent émerge soudainement. Cette phase stimule, dans l’entièreté de l’espèce, des comportements qui garantissent sa survie sous des conditions environnementales modifiées. Ainsi que les chercheurs le notent: « la plasticité phénotypique, l’expression différentielle de phénotypes alternatifs à partir d’un phénotype unique dépendant des conditions environnementales, s’avère d’une importance évolutive considérable » 5.
Sommes-nous en train de nous engager dans une expression « variante » de la sensibilité perceptive humaine ? S’il en était ainsi, ne pourrait-on pas alors la considérer, peut-être, comme une évolution adaptative bénéfique ? Comme une réalité démographique antique, peut-être câblée aux âmes de certains, qui enrichit et diversifie, authentiquement, la civilisation humaine.
La sérotonine et ses analogues, ainsi que l’ont découvert tant de chercheurs, sont intimement impliqués dans la création de comportements alternatifs chez les systèmes vivants en réaction à des données sensorielles entrantes concernant des conditions environnementales. Ces comportements alternatifs, normalement à l’extérieur des paramètres habituels la vie quotidienne, permettent des réponses adaptatives à des conditions altérées. C’est sur ces réponses adaptatives que repose la capacité de l’espèce – et du système Gaïen – de survivre et la capacité des systèmes auto-organisés de rester intacts.
La sérotonine et ses récepteurs sont également intimement impliqués dans le codage temporel, à savoir le sens du temps d’un organisme, qu’il semble en vitesse normale, très rapide ou incroyablement lent. Il s’agit également de fonctions adaptatives. Le cadre percepteur se modifie de par l’altération du sens du temps. Durant le ralentissement, l’organisme vivant peut accueillir les données entrantes avec une plus grande spécificité et attention, augmentant, par conséquent, sa capacité à s’adapter à des messages conviés par les flux de données entrantes.
Harry Anslinger, le principal promoteur de l’interdiction légale du cannabis dans les années 1920/1930 « écrivit un jour, dans un rapport officiel, que la musique swing avait été créée par un musicien amateur de cannabis et que lui-même n’aimait pas cette musique. Selon les paroles de Munch, son assistant, l’effet que les musiciens recherchaient dans la Mariejeanne était un rallongement de leur sens du temps leur permettant de rajouter plus de notes gracieuses dans leur musique que s’ils se contentaient de suivre la partition écrite. Munch se plaignit qu’un musicien normal ne jouerait un morceau de musique que comme il était écrit et qu’un musicien utilisant le cannabis intégrerait environ deux fois plus de notes, qu’il le jazzerait » 6.
La sérotonine et ses récepteurs, comme ils sont modulés, affectent la fonction du système nerveux central et l’adaptabilité de l’organisme (et de l’espèce) aux influx environnementaux. La plasticité neuronale, la neurogenèse, la fonction immunitaire, la fonction cardiaque, le sens du toucher (kinesthésique ou non), la sexualité et la reproduction, l’apprentissage, la mémoire, l’état émotionnel, le sommeil et le rêve, le sens du soi et de l’autre, le phénotype (et même le génotype) ainsi que les dynamiques de filtration sensorielle, dans tout le système nerveux central, sont tous affectés. La cognition, à savoir ce que vous percevez et pensez, varie considérablement en fonction des variations des dynamiques de la sérotonine. Le nombre, la fonction et les dynamiques des récepteurs 5-HT dans tout le système se métamorphosent en réponse aux changements de conditions environnementales.
Il existe, en fait, des signaux environnementaux spécifiques qui, lorsqu’ils se manifestent, stimulent la production, la libération et l’intégration de nouvelles structures neuronales et de cellules au sein des réseaux neuronaux existants. Et une grande partie de ces signaux environnementaux influent sur le système nerveux central en activant la sérotonine et des récepteurs très spécifiques de la famille des récepteurs sérotoninergiques. En d’autres mots, les récepteurs sérotoninergiques, chez les êtres humains, réagissent aux influx environnementaux en modifiant continuellement leur degré d’activation.
Et non, tout cela n’est pas un processus réductionniste et mécanique tel que nous ne sommes qu’un produit de notre chimie. Nous sommes engagés dans une conversation complexe ; ce n’est pas un monologue. Il se peut que la plupart de nos réponses soient en-dessous du seuil de conscience mais c’est cependant une conversation empreinte de signifiant. Les significations sont cruciales. Ce n’est pas la substance chimique mais le message qu’elle convie qui établit le plus grand affect sur le système qu’elle touche. Notre système analyse les flux de messages entrants et choisit ensuite comment il y répond. La manière dont nous modifions la production de sérotonine, et la structure de réseau neuronal, est un choix ; cela n’est pas imposé par un monde totalitaire et mécaniquement contrôlé.
Les modifications des dynamiques des récepteurs sérotoninergiques se manifestent dans l’entièreté du système en réponse à des influx. Les récepteurs 5-HT1a libèrent le facteur d’extension des neurites gliales, une substance qui stabilise les microtubules qui constituent la structure principale du cytosquelette des cellules nerveuses existantes ou nouvellement formées, incluant les neurones et les astrocytes. Quant aux récepteurs 5-HT2a, ils ouvrent plus les seuils de filtration sensorielle afin d’apporter plus de données sensorielles, permettant ainsi un plus large spectre de réponses comportementales – des réponses existant en dehors des paramètres habituels et normaux. Il existe une symphonie de réponses dans l’entièreté du système qui agit pour moduler le flux de données sensorielles et la réponse que l’organisme y apporte, incluant la forme physique de toute la structure neuronale. De ce point de vue, la sérotonine constitue ce que certains chercheurs appellent « un facteur global impliqué dans l’homéostasie du cerveau »7. La sérotonine est, sous de nombreux aspects, la molécule la plus importante pour le fonctionnement et la gestion des réseaux neuronaux dans tous les systèmes auto-organisés.
Gaïa et la Sérotonine
La sérotonine, ou 5-HT, est une très ancienne molécule qui est tout d’abord apparue, il y a des éons de cela, dans les organismes unicellulaires aérobies. Comme pour toutes les innovations Gaïennes, des complexités futures de formes et de fonctions furent bâties sur les fondations de cette découverte antique.
La sérotonine est l’une des structures qui connectent.
C’est, en elle-même, une superstructure, tout comme toute auto-organisation
Les bactéries utilisent cette molécule ; il en est de même de tous les champignons, insectes, plantes et animaux. Elle est très profondément entrelacée dans le système Gaïen et dans tout son fonctionnement neuronal. D’un point de vue moléculaire, 5-HT possède une configuration d’anneau unique en son coeur, un anneau de benzène.
qui est incroyablement commun dans le carbone de plante enfoui,
à savoir du pétrole brut.
Le benzène est fondamentalement un hexagone équilatéral. Cela le rend extrêmement stable et hautement fonctionnel – il est très aisé, comme les plantes l’ont découvert depuis très longtemps, de lui connecter d’autres structures moléculaires, en créant ainsi des variations sur le thème.
Et c’est pourquoi les compagnies pharmaceutiques l’utilisent
pour confectionner leurs drogues
qui sont toutes, d’ailleurs, des variations sur des innovations végétales
qui remontent à des millions d’années
L’une des innovations les plus essentielles sur l’hexagone de benzène est l’anneau indole. Il est composé d’un anneau de benzène fusionné avec un anneau pyrrole, contenant de l’azote, à cinq côtés. C’est en fait un hexagone avec un pentagone collé à un côté. C’est de cette structure de base que le tryptophane, l’un des acides aminés les plus essentiels, est généré. Les plantes et les microorganismes synthétisent beaucoup de tryptophane et à partir du tryptophane, ils élaborent une pléthore de choses intéressantes – entre autres, la sérotonine, la mélatonine et l’auxine. Ces composés sont de puissants agonistes dans le système nerveux central humain (à savoir la mélatonine et la sérotonine) et dans le cerveau racinaire de la plante (la sérotonine, la mélatonine et l’auxine) agissant afin de protéger et de générer des neurones et des structures cérébrales.
La structure d’anneau indole, au travers d’une diversité de formes innovatrices,
molecular veriditas
permet le développement des réseaux neuronaux bactériens, fongiques et végétaux et des réseaux similaires chez les crustacées, les insectes et tous les animaux, incluant les humains. De tels composés sont omniprésents dans tous les réseaux neuronaux de la planète. La sérotonine, par exemple, a émergé il y a très longtemps dans le système Gaïen, ainsi que le chercheur Efrain Azmitia l’observe :
La réalité de la situation est telle que les « neurotransmetteurs » sont antérieurs à la formation des tissus nerveux. On trouve la sérotonine dans tous les animaux, dans toutes les plantes et dans la plupart des organismes unicellulaires. Elle est synthétisée à partir de l’acide aminé tryptophane au travers de l’action de deux enzymes, la tryptophane hydroxylase et la L-amino acide décarboxylase (ou 5-hydroxytryptophane décarboxylase).
Et il s’avère que la structure de l’anneau indole, à partir desquels sont générés le tryptophane et la sérotonine, émergea à une jonction cruciale de la vie sur Terre. Ainsi qu’Efrain Azmitia continue :
« La création de la structure indole a réalisé une fonction importante au début de la vie aérobie sur Terre. La conversion de l’énergie (photons) dérivée du soleil en énergie biologique requiert la capture d’une onde de lumière et la perte d’un électron. Il est très intéressant de souligner que l’anneau indole est la molécule la plus efficace pour accomplir cette tâche ». 8
La structure en anneau indole capture l’énergie de lumière provenant du soleil et la convertit en énergie biologique, faisant ainsi fonctionner tout le système vivant du monde ainsi que nous le savons de nos jours. Et bien que ce soient les bactéries qui la découvrirent tout d’abord, c’est au sein des plantes qu’elle est la plus active – et ce de façon cruciale – car ce sont les plantes qui focalisent une grande partie de leur temps à capturer l’énergie de la lumière et la convertir en énergie biologique durant le cycle complexe oxygène/dioxyde de carbone. Cette molécule – et son utilisation universelle par les organismes générant de l’oxygène – fut intimement impliquée dans le passage Gaïen vers une atmosphère chargée d’oxygène – et donc vers l’émergence de l’humain.
Antérieurement à l’innovation Gaïenne de photosynthèse, il n’existait que peu d’oxygène libre dans l’atmosphère. L’oxygène est à ce point excessivement réactif qu’il se combine immédiatement avec d’autres substances. Et au fil du temps, l’atmosphère elle-même devient inerte, non-réactive telles que le sont les atmosphères sur Mars et sur Vénus.
Ce fut cette profonde intuition qui conduisit James Lovelock à comprendre la Terre comme un être vivant. Quelque chose, découvrit-il, doit garder les niveaux d’oxygène intentionnellement élevés. L’atmosphère de la Terre, en effet, est régulée comme elle l’a toujours été et ce… depuis très très longtemps.
En d’autres mots, l’innovation Gaïenne de cette structure d’anneau indole fonde totalement l’émergence d’organismes utilisant l’oxygène et de tout l’écosystème qui a émergé et dont ils sont partie intégrante. Sans lui, le type de métabolisme qui fait fonctionner la plupart des formes de vie sur cette planète n’aurait pas pu se développer. Et n’oublions pas une chose… l’oxygène est un gaz toxique.
Tout cela ne semble pas faire de sens, n’est-ce pas ?
Lorsque l’oxydation devint la forme primordiale de production d’énergie sur la planète, le problème des agents oxydants réactifs, qui sont générés durant la combustion d’oxygène, émergea. L’oxygène fait non seulement fonctionner la vie, il la détruit aussi… dont les structures neuronales.
La rouille est l’oxydation du fer, un processus faisant partie de sa biodégradabilité. Un processus similaire se manifeste avec les cellules vivantes, dont les neurones, lorsqu’elles sont exposées à l’oxygène au fil du temps. C’est en partie pourquoi les réseaux neuronaux, tels que nos cerveaux, fonctionnent d’autant moins que nous vieillissons. Nous rouillons.
Lorsque le système Terre adopta l’utilisation de l’oxygène pour faire fonctionner des formes complexes de vie, ces organismes vivants durent développer des mécanismes pour protéger les structures cellulaires des sous-produits de l’oxygène (et pour régénérer ces structures, lorsque nécessaire). C’est ainsi que les organismes vivants commencèrent à créer des antioxydants exceptionnellement puissants, souvent à partir du tryptophane. La plupart des composés qui sont des innovations sur le tryptophane – incluant la sérotonine, la mélatonine et l’auxine – sont également parmi les antioxydants les plus puissants que l’on connaisse. Azmitia commente que :
« Le tryptophane a toujours été une clé de la vie en raison de sa capacité à convertir l’énergie solaire en énergie biologique. De par ce processus, le tryptophane et ses molécules associées sont impliqués dans tous les aspects de la vie d’un organisme: la mitose, le mouvement et la maturation. Lorsque l’oxygène commença à devenir l’un des constituants majeurs de l’atmosphère de la Terre, les enzymes qui accomplissaient une fonction essentielle en convertissant le dioxyde de carbone en glucose évoluèrent alors pour hydroxyler de nombreux substrats. L’hydroxylation conduit à 5-HTP et à 5-HT tout autant qu’à de nombreux alcaloïdes indoliques. » 9
L’hydroxylation, en d’autres mots, conduit à la production de sérotonine (5-HT) et d’autres alcaloïdes indoliques tels que la psilocybine et les précurseurs du LSD dans les ergots de céréales. Et 5-HT fonctionne non seulement pour moduler la filtration sensorielle mais il protège également les structures neuronales de l’oxydation – ce sont des fonctions en strates très communes, dans les innovations Gaïennes.
Les plantes – qui précèdent l’émergence de notre espèce d’une longueur de temps considérable et qui sont profondément impliquées dans la transformation de l’énergie de la lumière solaire et dans la production d’oxygène – sont, et ce n’est pas surprenant, intimement impliquées dans l’hydroxylation et dans la production de tryptophane et de ses dérivés. Ainsi qu’Azmitia le souligne :
« En sus des algues, des champignons et des moisissures, les générateurs les plus efficaces d’oxygène et de sérotonine sont les plantes. Les niveaux de sérotonine à l’intérieur des plantes sont cent fois supérieurs à ceux que l’on trouve dans les cerveaux animaux » 10.
Il continue : « Une observation plus attentive des plantes confère les preuves que la sérotonine et ses dérivés, tels que la mélatonine et l’auxine, accomplissent des fonctions cruciales dans la vie et l’organisation des plantes. Les plantes sont des organismes multicellulaires complexes qui possèdent des cellules spécialisées fonctionnant comme une unité, une organisation holistique. Les plantes évoluèrent une organelle intracellulaire spécialisée, le chloroplaste, non seulement pour capturer la lumière mais aussi en tant que source de la synthèse du tryptophane. Tous les enzymes destinés à la production de tryptophane étaient localisés au sein des ces organites spéciales et ne pouvaient se métamorphoser en leur forme mature qu’à l’intérieur des chloroplastes. Les plantes sont extrêmement efficaces pour capturer la lumière parce qu’elles sont extrêmement efficaces pour produire du tryptophane. » 11.
Et juste pour mémoire, les plantes n’ont pas « évolué » les chloroplastes. Les chloroplastes sont des anciennes bactéries libres qui furent incorporées dans ce qui est devenu des cellules végétales par le biais de la symbiogenèse. Il n’est donc pas surprenant que les récepteurs responsables pour la transformation du tryptophane, tels que la sérotonine et l’auxine ainsi que les composés variés que nous appelons des neurotransmetteurs, se retrouvent dans les structures végétales et plus particulièrement dans le système cerveau/racines de la plante. Et on les trouve également dans les formes, les plus « primitives », « d’animaux » que Gaïa ait innovées, à savoir les éponges.
Ainsi que Wu et Copper le commentent : « La présence précoce du tryptophane est une raison pour laquelle 5-HT est potentiellement le premier neurotransmetteur découvert avec le développement du système nerveux. 5-HT agit à la fois comme un neurotransmetteur et une neurohormone et comme un modulateur puissant de neurones et de divers tissus dans de nombreuses espèces animales (et invertébrées) »12.
La sérotonine est toujours présente dès qu’il s’agit de réseaux neuronaux. En fait, tous les réseaux neuronaux sont innervés par cette structure moléculaire particulière.
A savoir, tous les réseaux neuronaux
incluant ceux formés par de larges agrégats d’organismes
tels que des essaims viraux ou des écorégions.
Des molécules modifiées de tryptophane, telle que la sérotonine, sont profondément impliquées dans la formation des dynamiques de groupes sociaux, quelque soit l’espèce concernée. Elles sont profondément impliquées dans le sens du soi, dans la capacité pour l’empathie et la coopération, dans la réactivité aux stimuli et dans la perception des messages codés dans les flux sensoriels. Et elles sont également intimement impliquées dans la plasticité des réseaux neuronaux, ainsi qu’Azmitia l’observe:
« la neuroplasticité est un attribut nécessaire de tout système homéostatique mais un développement précoce et des interconnexions globales confèrent à ce système une amplitude holistique. La capacité de métamorphoser la morphologie, de stimuler la neurogenèse et la différenciation ou de promouvoir la survie cellulaire est affectée par l’acétylcholine, les catécholamines, le GABA, les acides aminés excitateurs (le glutamate et la glycine) et les neuropeptides. Cependant, seule la sérotonine (5-HT) possède les capacités évolutives et anatomiques pour servir de régulateur global qui unifie l’entièreté du cerveau en un système biologique cohésif. » 13.
La sérotonine est sans doute la molécule la plus essentielle pour les réseaux neuronaux de la planète. Entre autres fonctions, la sérotonine module les dynamiques de connexion neuronale dans le cerveau et le système nerveux central. La sérotonine altère continuellement la chimie des neurones cibles et régule fortement la morphologie cellulaire des neurones, en d’autres mots leur forme et leur structure. Ainsi qu’Azmitia le souligne : « La sérotonine influence la morphologie des neurones moteurs et sensoriels impliqués dans le maillage neuronal afin de découvrir la source des stimuli pertinents. » 14. En sus de leurs autres fonctions, ainsi qu’Azmitia le commente : « les neurones sérotoninergiques sont essentiellement des neurones sensoriels (à savoir activés par ses stimuli externes). » 15. Répétons-le, les récepteurs de sérotonine existe dans chacun des systèmes neuronaux qui connectent avec le monde extérieur : le cerveau, le coeur, le système entérique (tractus intestinal) et le système immunitaire. La sérotonine et ses récepteurs sont les modulateurs des flux de données sensorielles. La sérotonine affecte également les cellules durant toutes les phases de leur développement, dont le développement et le fonctionnement de tous les organes. C’est intrinsèquement un régulateur de tous les systèmes auto-organisés du plus petit (la cellule) au plus grand (Gaïa). Elle soutient le réseau neuronal de tous les systèmes auto-organisés à tous leurs niveaux de développement. Et elle fonctionne, sur un plan plus large, en tant que régulateur global, afin de soutenir l’auto-organisation des structures symbiogénétiques plus larges – les organes dans les organismes, les écosystèmes dans les écorégions et les écorégions dans Gaïa. Des neurones qui forment des réseaux neuronaux agissent à l’image d’un essaim. Ils agissent par le biais d’une action de masse et coordonnée – de concert
en synchronie
les uns avec les autres, à la fois dans les plus petits systèmes locaux en lesquels ils sont localisés et au plus grand niveau où tous les neurones dans tous les sous-systèmes se synchronisent les uns avec les autres afin de former un plus grand système auto-organisé avec un plus grand potentiel de traitement de données.
Telles que les plantes dans une écorégion
et les criquets-pèlerins dans un essaim
Dans le cerveau humain, les noyaux du raphé, dans le tronc cérébral, s’avèrent constituer la région principale qui contrôle la libération de sérotonine dans le reste du cerveau. Ils interagissent avec toutes les régions du cerveau, ils sont profondément impliqués dans les rythmes circadiens, dans le sommeil et dans le rêve, et ils sont continuellement impliqués dans un processus complexe de feed-back entre eux-mêmes et le reste des structures neuronales et des neurones sérotoninergiques du cerveau. Azmitia commente, excessivement que :
« Les neurones du raphé, qui se projettent globalement, possèdent les caractéristiques anatomiques et fonctionnelles de coordonner la physiologie de l’entièreté du cerveau. Bien que des actions spécifiques de 5-HT soient locales, leur amplitude est cependant globale. La perturbation d’un groupe de neurones du raphé influence le système entier. Le rôle de 5-HT en tant que composé intégrateur de tissus neuronaux met en exergue l’importance de la neuroplasticité. Les neurones 5-HT manifestent des réactions fonctionnelles et morphologiques vis à vis d’une diversité de facteurs neuronaux et non-neuronaux… Les neurones sérotoninergiques évoluèrent à partir des plantes, en tant que système régulateur général, qui réagit à des stimuli externes afin de produire des modifications structurales intégrant ces signaux… Le système se modifie lui-même afin de réaliser l’instabilité requise pour maintenir l’homéostasie. Cette fonction de la sérotonine peut s’observer dans les plantes et les organismes unicellulaires bien avant l’émergence des neurones chez les êtres humains. Les fluctuations des niveaux de sérotonine sont répandus dans tout le cerveau et servent à intégrer dynamiquement et à stabiliser la structure et la fonction du système nerveux central… Le maintien d’un système nerveux stable dans un environnement dynamique est certainement une fonction holistique car il est difficile d’imaginer ce processus comme étant la somme de ses constituants. L’homéostasie implique non seulement la stabilité d’une fonction ou d’un ensemble de règles spécifiques mais aussi, et ce qui est beaucoup plus essentiel, l’équilibre dynamique perçu autour de cet ensemble de règles »16.
Et il continue :
« Un régulateur homéostatique requiert de sentir toutes les variables pertinentes nécessaires pour atteindre l’équilibre et le conserver. La distribution de 5-HT dans le cerveau atteint toutes les régions et inclut des cellules cibles dans les systèmes neuronal, vasculaire et endocrinien. La fonction des neurones 5-HT est d’intégrer tous les types de cellules dans toutes les régions du cerveau. Le cadre global sert à recevoir et à intégrer les diverses variables pertinentes en une unité holistique. Secondement, un régulateur homéostatique requiert d’ajuster l’activité et l’architecture des systèmes impliqués dans l’équilibre. Les neurones 5-HT peuvent produire des transformations rapides dans les décharges neuronales postsynaptiques, l’activité des cellules gliales, le flux sanguin, la respiration, la température et la sécrétion hormonale. Les neurones 5-HT promeuvent la mitose cellulaire, la migration et la maturation des neurones et des cellules gliales et modifient la manière dont ces systèmes cellulaires interagissent. Troisièmement, un régulateur homéostatique devrait être capable d’ajuster son propre ensemble de règles afin d’intégrer les flux de données afin de minimiser plus efficacement le niveau de fluctuations. Les neurones 5-HT modifient leur propre architecture cellulaire en réponse non seulement à des données neuronales sensorielles mais aussi aux cellules gliales, aux niveaux hormonaux, aux neuropeptides et au glucose… La faculté de modifier l’activité et de répondre à des facteurs externes est essentielle à l’homéostasie » 17.
La sérotonine et ses récepteurs modulent notre flux entrant de données sensorielles, ils régulent les réseaux neuronaux en nos corps et ils répondent, avec une sensibilité très élevée, aux messages environnementaux. Ils sont essentiels au développement des réseaux neuronaux et des neurones ; les organismes vivants déficients en sérotonine ont beaucoup moins de développement neuronal. Cela est vrai pour toutes les formes de vie sur la planète, y compris les plantes.
La sérotonine et le cerveau/racines des plantes
De même que chez les insectes et les animaux, la sérotonine se trouve dans les tissus des plantes, dans leurs racines, dans les fruits, dans les feuilles et dans les graines. La sérotonine des plantes, à savoir la phytosérotonine, possède de nombreuses fonctions chez les plantes – tout comme pour nous. Elle est profondément impliquée dans la reproduction, dans les réactions photopériodiques, dans les capacités de phytoremédiation, dans la protection des cellules végétales vis à vis de l’apoptose, dans le recyclage des radicaux libres, dans la régulation de la croissance, dans la morphogenèse, et dans la croissance et le développement du système racinaire des plantes, à savoir le principal réseau neuronal – ou cerveau – de la plante. L’élévation des niveaux de sérotonine, ainsi que les chercheurs l’ont souligné, « coïncidait avec une très forte stimulation du développement racinaire latéral ». En fait, il s’avère que la sérotonine, et autres composés dérivés du tryptophane, « exercent une forte activité biologique à de très basses concentrations à la fois dans des systèmes in vitro et in vivo et ils sont essentiels au maintien des processus physiologiques et morphogénétiques incluant les réactions à la pesanteur et à la lumière, le développement des pilosités racinaires et le développement de racines latérales, de racines adventives et de jeunes pousses. » 18
Les requêtes environnementales, dont le stress, stimulent l’accroissement de sérotonine dans les tissus végétaux avec pour conséquence des altérations dans l’architecture racinaire (c’est à dire la forme du réseau neuronal). Ainsi que les chercheurs le commentent : « les niveaux de sérotonine dans les tissus des plantes peuvent augmenter en fonction des requêtes, particulièrement dans des phases de transition développementale particulière ou dans des phases de provocation par des pathogènes. » 19 Cet accroissement de sérotonine stimule des altérations dans le réseau neuronal de la plante, augmentant ainsi la plasticité phénotypique. Ainsi que les chercheurs le commentent: « la formation de racines adventives confère aux plantes une manière flexible d’altérer leurs formes et de localiser des ressources en réponse à des requêtes environnementales ou à des lésions ». 20 La sérotonine stimule la formation non seulement d’autres radicelles mais également d’autres extrémités radiculaires – qui s’en retrouvent également rallongées. En d’autres mots, de nouveaux neurones se forment et ces extrémités radiculaires, similaires à des doigts sensibles, s’étendent plus avant dans le sol où ils commencent à intégrer plus de données au sujet de l’environnement en lequel s’épanouit la plante. La croissance latérale des racines s’accroit dans les espèces d’Arabidopsis, jusqu’à trois fois, au fil de l’accroissement du niveau de sérotonine (ou lorsque de la sérotonine exogène est ajoutée au sol). Les racines latérales maturent plus rapidement, incluant la maturité des extrémités radiculaires, les neurones du système racinaire. Les chercheurs commentent que : « ce résultat illustre le fait que la sérotonine constitue un composé avec une forte influence sur l’organogenèse des racines adventives d’Arabidopsis ». 21 La sérotonine stimule non seulement l’émergence plus rapide de nouvelles formes de structures neuronales végétales mais elle protège également, contre le vieillissement des cellules neuronales, les espèces réagissant à l’oxygène – une protection, selon Ramakrishna et al., qui conduit à « un retard dans le processus de sénescence ». 22
Comme elle le fait dans le cerveau mammalien, la sérotonine agit en tant que modulateur global dans le cerveau de la plante, en modulant les influences d’autres neurotransmetteurs végétaux et la réponse du génotype aux données environnementales. La sérotonine, ainsi que les chercheurs Pelagio-Flores et al. le commentent, « est un composé indole hautement préservé dans des organismes distincts d’un point de vue évolutif, à savoir dans les plantes et dans les animaux. Les résultats des recherches portant sur la sérotonine ont mis en exergue plusieurs faits : (i) elle est présente dans de nombreuses espèces de plantes ; (ii) elle est élaborée à partir du tryptophane; (iii) sa concentration peut varier selon les tissus végétaux ou en réponse à des conditions environnementales suggérant des fonctions essentielles d’adaptation et de développement. » 23
Sous l’impact de stresses environnementaux, la production de sérotonine augmente, ce qui augmente la structure et le développement neuronaux de la plante, générant ainsi des réactions uniques de la part des réseaux neuronaux aux stresses environnementaux. Le principal enzyme convertissant la sérotonine à partir de la tryptamine (à savoir la tryptamine 5-hydroxylase) a son activité maximale dans les racines, faisant ainsi du système racinaire, dans la plante, « le siège majeur de la synthèse de la sérotonine et de ses dérivés ». 24 La sérotonine ainsi produite stimule le méristème apical afin de produire de nouvelles extrémités radiculaires, dans de nouvelles formations, dépendant de la nature de l’analyse/gestalt que la plante aura élaborée de la situation environnementale altérée. Cela permet l’émergence de réponses uniques d’adaptation à une modification des conditions. En d’autres mots, le comportement de la plante se modifie. Et cela inclue des innovations dans les formes des feuilles et dans la production de substances chimiques.
Le système neuronal/racinaire de la plante contient des récepteurs similaires à ceux que l’on trouve dans les insectes et dans les animaux. Par exemple, les récepteurs 5-HT1a, et 5-HT2a, des analogues, fonctionnent de la même manière chez les plantes et chez les animaux. Par exemple, les récepteurs 5-HT1a agissent de concert avec la sérotonine afin d’aider à pourvoir une stabilité intracellulaire pour le cytosquelette et ils favorisent ainsi la différenciation cellulaire et l’inhibition de la prolifération. Les récepteurs 5-HT2a, d’autre part, en concert avec la sérotonine, ouvrent plus grands les seuils de filtration, déstabilisent le cytosquelette interne et génèrent une prolifération de cellules neuronales et la synaptogenèse en réponse aux altérations provenant des flux de données entrantes. La stimulation des récepteurs 5-HT2a, alors, en réponse aux requêtes environnementales, induit une déstabilisation et une déstructuration du réseau neuronal afin que de nouvelles formes de réseaux neuronaux puissent émerger qui soient mieux adaptées à un environnement altéré.
On a découvert que des niveaux accrus de sérotonine dans des plantes, telle qu’Echinacea purpurea, stimulent la régénération des cellules végétales lésées. Par contre, des plantes déficientes en sérotonine ont un plus faible développement racinaire et donc un plus faible réseau neuronal. Des niveaux bas de sérotonine, chez les animaux, par exemple des rats, inhibent également la formation de circuits neuronaux du cerveau sains. En fait,
« L’excrétion et le rejet, à l’échelle planétaire, de milliers de tonnes de plus de cinquante formes pharmaceutiques d’inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS) affectent l’entièreté du réseau neuronal du système Gaïen. Ces inhibiteurs affectent tous les organismes qui ont recours à la sérotonine pour leur fonctionnement. Comme la sérotonine affecte tant de systèmes dans tant d’organismes vivants, les ISRS, quelles que soient leurs formes, interfèrent avec la maturité sexuelle, la reproduction, la germination, en fait avec le fonctionnement de tout système que la sérotonine affecte au sein de tout l’organisme Terre. Les ISRS sont hautement actifs en quantités minimes et sont présent dans tous les flux d’eaux usées des nations industrielles. Ces composés ralentissent le développement de toutes les espèces qu’ils croisent ; ils affectent la santé de leur système de reproduction ; et ils ralentissent les réponses de leurs systèmes neuronaux aux stresses externes. Ils réduisent même – par exemple le Prozac – le développement du système racinaire, à savoir du réseau neuronal, et l’émergence des pousses. L’émergence des pousses et des racines dans Mimosa pudica, par exemple, est réduite de 15/20 par segment nodal à 4 lorsqu’ils sont traités avec seulement 20 uM de Prozac. Et ces ISRS? Ils ne sont pas très biodégradables. Ils requièrent quatre mois pour se dégrader dans les cours d’eau mais lorsqu’ils siègent au fond des rivières, et des étangs, mélangés aux sédiments, ainsi que les chercheurs le commentent : « il semblerait qu’ils ne se dégradent jamais » ». 25
Les anti-dépresseurs, quelle que soit la forme de vie qui leur est exposée, « provoquent des lésions neuronales et induisent les neurones matures à retourner vers un état d’immaturité; ces deux processus peuvent expliquer pourquoi les antidépresseurs provoquent l’apoptose (la mort cellulaire programmée) ». Ainsi qu’Andrews et al. continuent de le commenter : « notre rapport soutient la conclusion selon laquelle les antidépresseurs, généralement, font plus de mal que de bien en perturbant un certain nombre de processus d’adaptation régulés par la sérotonine. » 26 Les quantités d’ISRS inondant le système Gaïen sont en train de dérégler tous les réseaux neuronaux de la planète, incluant ses espèces individuelles, des plantes aux hommes.
Innovations en Sérotonine
La sérotonine se retrouve dans tous les systèmes vivants auto-organisés. Mais Gaïa n’a pas arrêté d’innover avec le développement de la sérotonine.
L’un des générateurs primordiaux de l’innovation dans les systèmes auto-organisés est l’ouverture expansive des canaux de filtration sensorielle dans les réseaux neuronaux. Lorsque les portes de la perception s’ouvrent plus amplement, l’organisme peut percevoir plus aisément le fondement métaphysique du monde, faire l’expérience plus profondément des schémas à l’oeuvre, percevoir un spectre plus étendu des messages qui sont encodés dans les flux de données sensorielles et commencer à générer des réponses en dehors des paramètres habituels. La sérotonine est importante en cela mais Gaïa a innové encore au-delà. Des formes moléculaires uniques, créées par des plantes (et des bactéries et des champignons), dans chaque écosystème de la Terre, ont été générées à partir de la molécule basique de sérotonine.
Et tout cela s’est manifesté
bien longtemps avant l’émergence de l’espèce humaine
Ces innovations incluent de telles substances que la bufoténine, la bufoténidine, la psilocine, la psilocybine, le DMT, la yohimbine, la yoimbane, la vinblastine, et un certain nombre de dérivés d’ergots tels que l’ergotamine et l’ergine.
Ces molécules sophistiquées dérivées de la sérotonine possèdent des impacts cruciaux et spécifiques sur les récepteurs de sérotonine dans tous les réseaux neuronaux de la planète. Elles peuvent être considérées, d’une certaine perspective, comme des formes considérablement importantes de la sérotonine. Elles agissent afin d’altérer les réseaux neuronaux de la planète et de tous ses organismes vivants. Nous les connaissons sous le nom d’hallucinogènes.
Traduction de Xochi, autorisée par Stephen Harrod Buhner. Octobre 2015.