Note juridique

NOTE RELATIVE AU STATUT JURIDIQUE DU SOUCI CALENDULA OFFICINALIS

Le souci Calendula officinalis est une plante vivace de la famille des Asteraceae.

Dans le cadre de sa campagne sur les plantes médicinales, l’association Kokopelli souhaite mettre en lumière les vertus du souci Calendula officinalis. En effet, cette plante possède notamment des propriétés anti-inflammatoires, antioxydantes et anti-œdémateux. Dans ce cadre, elle s’interroge sur la qualification de médicament, de plante médicinale, ou de denrée alimentaire pour cette plante.

Il est important de déterminer dans quelle mesure le souci Calendula officinalis pourrait être qualifié de médicament (1) ou de plante médicinale (2) dès lors que seules certaines personnes sont habilitées à vendre de tels produits. En effet, selon l’article L. 4211-1 du code de la santé publique, la vente en gros ou au détail et toute dispensation au public de médicaments, ainsi que la vente des plantes médicinales inscrites à la pharmacopée sont réservées aux pharmaciens sous réserve de certaines dérogations prévues par décret. Aussi, la personne qui vendrait de tels produits sans avoir la qualité de pharmacien pourrait être réprimée pénalement pour exercice illégal de la profession de pharmacien.

1. Sur la qualification de médicament

Le premier paragraphe de l’article L. 5111-1 du Code de la santé publique précise la définition de médicament :

« On entend par médicament à usage humain toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l’égard des maladies humaines, ainsi que toute substance ou composition pouvant être utilisée chez l’homme ou pouvant lui être administrée, en vue d’établir un diagnostic médical ou de restaurer, corriger ou modifier ses fonctions physiologiques en exerçant une action pharmacologique, immunologique ou métabolique. ». 

Ainsi, cet article donne deux définitions du médicament : une définition « par présentation » et une définition « par fonction ». En outre, il résulte de cet article, mais également de l’article 1 de la Directive 2001/83 instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain, qu’un médicament est une « substance » ou une « composition ».

a) La notion de substance

Il convient donc de déterminer si une plante, ou des parties de plante, peuvent être considérées comme une substance ou une composition au sens de la législation sur les médicaments.

La qualification de composition sera écartée, ce terme évoquant un mélange, une combinaison de substances, assimilables à une ‘préparation’, dans la jurisprudence de la Cour de cassation. Cela n’est manifestement pas applicable à l’espèce. S’agissant de la notion de substance, celle-ci n’est pas définie dans le droit français. On retrouve toutefois une définition dans l’article 1 de la Directive 2001/83. La substance est entendue très largement puisqu’elle englobe « toute matière quelle qu’en soit l’origine ». La directive précise que cette matière peut être « végétale, telle que: (…) plantes, parties de plantes … ». Ainsi, une plante brute, ou des parties de celle-ci, telle que les fleurs, les feuilles, ou encore les graines, constitue une substance, susceptible de recevoir la qualification de médicament.

Le souci Calendula officinalis, ainsi que ses graines, est une matière végétale susceptible, donc, de recevoir la qualification de substance. 

b) Les médicaments par présentation

Est un « médicament par présentation » toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l’égard des maladies humaines ou animales.

La qualification de médicament par présentation fait ainsi appel à des critères subjectifs, tels que la perception qu’un consommateur peut avoir du produit (cf. CJCE, 21 mars 1991, C-60-89).

Pour déterminer si une substance est un médicament « par présentation », le juge apprécie s’il existe des indications de dosage, de posologie ou de méthodes thérapeutiques, ou encore des allégations de propriétés thérapeutiques (Cass. Crim., 4 octobre 1995, n°94-84.322). Le seul fait que la plante soit décrite comme ayant des propriétés préventives ou curatives suffit à considérer qu’il s’agit d’un médicament, même si elle est généralement considérée comme un produit alimentaire (CJCE, 28 octobre 1992, C-219/91). Il n’est ainsi pas nécessaire de rechercher si le produit possède effectivement les propriétés curatives ou préventives mises en avant.

Par exemple, la Cour de cassation a confirmé que constituent des médicaments par présentation des produits à base de plantes médicinales inscrites à la pharmacopée, tels l’harpagophytum et l’eucalyptus, présentés sous des formes traditionnellement utilisées pour les médicaments, comportant la mention de leur composition, de leur posologie ou de leurs précautions d’emploi, et faisant référence à des propriétés curatives ou préventives à l’égard des maladies humaines telles que les douleurs articulaires, les contractures, les raideurs, les douleurs musculaires, en des termes évoquant des états pathologiques répertoriés au sein du classement international des maladies (Cass. crim., 2 mai 2018, no 17-81.225). 

A contrario, et à condition de ne pas mettre en avant ses propriétés préventives ou curatives à l’égard d’une maladie, une plante, même médicinale, n’aura pas la qualité de médicament par présentation.

En l’espèce, il est indiqué sur le site de l’Association Kokopelli [1] , que :

« Le souci, aussi appelé Calendula, est une des plantes les plus réputées de la pharmacopée. Il possède des propriétés antivirales, antitumorales, anti-inflammatoires et antioxydantes. Il est également analgésique et nourrit les peaux sensibles. »

Si l’Association Kokopelli met en avant les effets bénéfiques sur la santé du Souci, elle ne les rattache toutefois pas expressément à la prévention ou au traitement de maladies humaines ou animales déterminées.

En conséquence, il ne saurait être reproché à l’Association Kokopelli, si elle décidait de vendre la plante ou des parties de la plante, de commercialiser un produit ayant la qualité de médicament par présentation.

En outre, il faut souligner que ce sont les effets bénéfiques sur la santé des parties aériennes de la plante (fleurs ou feuilles) du Calendula officinalis, qui sont mises en avant, et non ceux de ses semences. Aussi, en tout état de cause, ce serait bien la plante en elle-même qui pourrait être qualifiée de médicament par présentation, mais non ses semences.

Or, en l’espèce, Kokopelli ne commercialise que les semences de Calendula officinalis. Aussi, il ne saurait lui être reproché de commercialiser un médicament par présentation. 

c) Les médicaments par fonction

Est un « médicament par fonction » toute substance ou composition pouvant être utilisée ou administrée chez l’homme ou chez l’animal en vue d’établir un diagnostic médical ou de restaurer, corriger ou modifier leurs fonctions physiologiques en exerçant une action pharmacologique, immunologique ou métabolique. Le critère de l’aptitude à restaurer, à corriger ou à modifier des fonctions physiologiques ne doit toutefois pas conduire à qualifier de médicament par fonction des produits qui, tout en ayant une influence sur le corps humain, n’ont pas d’effet physiologique significatif et ne modifient, dès lors, pas à proprement parler les conditions de son fonctionnement (CJCE, Arrêt du 5 mars 2009, Commission / Espagne (C-88/07, point 72-26)

En outre, la Cour de Justice considère que la modification des fonctions physiologiques, engendrées par les produits en question, doit nécessairement procurer des « effets bénéfiques, immédiats ou médiats, sur la santé humaine » (CJUE, 10 juil. 2014, C-358/13 et C-181/14, Markus D. et G.) 

Dans cette dernière affaire, la CJUE a considéré que les produits constitués d’herbes aromatiques et de cannabinoïdes de synthèse commercialisés exclusivement à des fins récréatives ne pouvaient être qualifiés de médicaments par fonction, en dépit de leurs effets psychiques. Le qualificatif de médicament ne peut leur être attribué dès lors qu’ils ne sont pas commercialisés à des fins thérapeutiques pour prévenir ou guérir une pathologie.

S’agissant de l’existence d’effets bénéfiques, il a été jugé que « en l’absence de toute utilisation, même potentielle, du produit concerné pour le traitement d’une pathologie reconnue, la condition relative à l’existence d’effets bénéfiques sur la santé ne sera pas satisfaite » (CJUE, M2Beauté Cosmetics GmbH c/ Bundesrepublik Deutschland, op. cit., points n° 49 et 50).

Seuls peuvent constituer des médicaments par fonction les produits contenant des substances ayant des propriétés pharmacologiques démontrées et qui sont exclusivement destinées à un usage thérapeutique (cf. également en ce sens Cass. Crim., 1er avril 2003, n°02-86.292).

En l’espèce, le Calendula officinalis ne saurait être considéré comme un médicament par fonction. 

En effet, les propriétés pharmacologiques du Calendula officinalis sont effectivement historiquement et scientifiquement démontrées. De nombreuses sources, dont l’Organisation mondiale de la santé, recommandent ainsi l’usage de cette plante pour le traitement de certaines pathologies.

Toutefois, il faut souligner que cette plante n’est pas commercialisée uniquement dans un but thérapeutique. Elle a également une fonction aromatique, ornementale et tinctoriale.

Dès lors, le Calendula officinalis ne constitue pas un médicament par fonction.

En conclusion, d’une part, la présentation faite par Kokopelli du Calendula officinalis ne saurait la conduire à être qualifiée de médicament par présentation, en l’absence d’une référence expresse à la prévention ou au traitement d’une maladie. D’ailleurs l’association ne commercialise que les semences de cette plante, dont les propriétés thérapeutiques ne sont pas mises en avant. D’autre part, le souci présente de nombreuses propriétés, non exclusivement thérapeutiques, et il ne saurait s’agir d’un médicament par fonction. Ainsi, il ne saurait alors être reproché à Kokopelli de commercialiser des médicaments alors qu’elle n’a pas la qualité de pharmacien. 

2. Sur la qualification de plante médicinale

En droit, il résulte de l’article L. 4211-1 du code de la santé publique que, par principe, la vente des plantes médicinales inscrites à la pharmacopée est réservée aux pharmaciens, ou aux herboristes en application de l’article L. 4211-7 du même code. 

Il faut relever que le Calendula officinalis est bien répertorié dans la pharmacopée française en tant que plante médicinale utilisée traditionnellement [2]. Ce sont en particulier le capitule et la fleur qui sont inscrites comme parties utilisées de la plante. En revanche, la graine n’est pas mentionnée, comme c’est le cas pour d’autres espèces, comme par exemple l’ambrette.

Il est ainsi tout à fait possible pour l’association Kokopelli de commercialiser des semences de Calendula officinalis

Ainsi, les semences de Calendula officinalis n’étant pas inscrites à la pharmacopée, elles ne correspondent pas à la définition de l’article L. 4211-1 du code de la santé publique. 

3. Sur la qualification de denrée alimentaire et le régime des allégations de santé

a) Qualification

Est considérée comme denrée alimentaire une « substance ou produit, transformé, partiellement transformé ou non transformé, destiné à être ingéré ou raisonnablement susceptible d’être ingéré par l’être humain » [3] (Article 2 du Règlement (CE) no 178/2002).

Ainsi, une plante sera considérée comme denrée alimentaire dès lors qu’elle est destinée à être ingérée par l’être humain. Les denrées alimentaires ne couvrent cependant pas « les plantes avant leur récolte ». Ainsi, tant que les capitules, les fleurs ou les feuilles de souci ne sont pas détachés du plant, le Souci ne saurait être qualifié de denrée alimentaire.

En l’espèce, certaines parties du Calendula officinalis sont susceptibles d’être ingérées par l’Homme. En particulier, ses bourgeons et ses fleurs peuvent être consommés directement ou ingérés par infusion, et pourraient ainsi être qualifiés de denrées alimentaires. En revanche, aucune forme de consommation de ses graines n’est connue.

Ainsi, les semences de Calendula officinalis ne sauraient être qualifiées de denrées alimentaires. 

b) Régime des allégations de santé

Le droit européen encadre fortement les allégations de santé sur les denrées alimentaires. En effet, d’après l’article 7.3 du Règlement n°1169/2011 concernant l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires « (…) les informations sur les denrées alimentaires n’attribuent pas à celles-ci des propriétés de prévention, de traitement ou de guérison d’une maladie humaine, ni n’évoquent de telles propriétés. »

Aussi, la possibilité de mettre en avant des allégations de santé sur les denrées alimentaires est strictement encadrée au niveau européen par le Règlement n°1924/2006.

Le régime des allégations de santé sur les denrées alimentaires peut être applicable puisque le 2nd paragraphe de l’article 1 du Règlement n°1924/2006 prévoit qu’il « s’applique aux allégations nutritionnelles et de santé formulées dans les communications à caractère commercial, qu’elles apparaissent dans l’étiquetage ou la présentation des denrées alimentaires ou la publicité faite à leur égard, dès lors que les denrées alimentaires en question sont destinées à être fournies en tant que telles au consommateur final. ». 

De plus, est considérée comme une allégation de santé tout message ou toute représentation non obligatoire en vertu de la législation applicable qui tend à affirmer, suggérer ou impliquer l’existence d’un lien entre une denrée alimentaire ou l’un de ses composants et la santé (article 1 §2.5). 

En l’espèce, sur la page d’achat du Calendula officinalis du site internet de Kokopelli, sont évoqués certains effets sur la santé du Calendula officinalis (propriétés « antivirales, antitumorales, anti-inflammatoires, et antioxydantes »). Ainsi, il pourrait s’agir d’allégations de santé, formulées dans une communication commerciale. 

Toutefois, il faut rappeler que si le Souci peut être considéré comme une denrée alimentaire, l’association Kokopelli ne fournit pas cette denrée alimentaire en tant que telle, mais commercialise uniquement les semences de cette denrée.

Ainsi, les semences de Souci n’étant pas directement destinées à la consommation humaine, elles ne sont pas soumises aux mêmes exigences que les denrées alimentaires en matière d’allégations de santé. 

4. Sur la qualification de nouvelle denrée alimentaire

La qualification de ‘nouvelle denrée alimentaire’ (‘novel food’ en anglais) est importante car, par principe, les nouvelles denrées alimentaires sont soumises à une procédure préalable d’autorisation de mise sur le marché [4].

D’après l’article 2 du Règlement européen n°2015/2283, sont considérées comme des nouvelles denrées alimentaires « toute denrée alimentaire dont la consommation humaine était négligeable au sein de l’Union avant le 15 mai 1997, indépendamment de la date d’adhésion à l’Union des États membres, et qui relève au moins d’une des dix catégories » listées à l’article 3 du règlement. S’agissant des plantes, c’est la catégorie iv) qui est la plus pertinente :

« Les denrées alimentaires qui se composent de végétaux ou de parties de végétaux, (…), excepté lorsque les denrées ont un historique d’utilisation sûre en tant que denrées alimentaires au sein de l’Union, et qu’elles se composent d’une plante ou d’une variété de la même espèce (…) obtenue par :

  • des pratiques de multiplication traditionnelles utilisées pour la production de denrées alimentaires dans l’Union avant le 15 mai 1997, ou
  • des pratiques de multiplication non traditionnelles qui n’étaient pas utilisées pour la production de denrées alimentaires dans l’Union avant le 15 mai 1997, lorsque ces pratiques n’entrainent pas de modifications significatives de la composition ou de la structure de la denrée alimentaire affectant sa valeur nutritionnelle, son métabolisme ou sa teneur en substances indésirables ; »

Au vu de ces éléments, il convient de déterminer si le Calendula officinalis doit être considéré comme une nouvelle denrée alimentaire.

En l’espèce, les feuilles et les fleurs du Calendula officinalis peuvent être consommés, mais pas ses racines ou ses graines. 

En tout état de cause, il s’agit d’une denrée alimentaire dont la consommation humaine n’était pas négligeable dans l’Union avant le 15 mai 1997. Il s’agit en effet d’une plante ancestrale, consommée en Europe depuis l’Antiquité. De nombreux écrits retracent ainsi l’utilisation de cette plante, tant en cuisine, qu’en naturopathie. 

Dès lors, pour cette raison, le Calendula officinalis ne saurait être qualifié de nouvelle denrée alimentaire. Sa commercialisation, sous la forme de denrée alimentaire, ne requiert donc pas une autorisation préalable de mise sur le marché.