Historique des Tomates Indigo
En 2000, des étudiants d’Oregon State University commencent à travailler, sous la direction du Professeur Jim Myers, pour créer une variété de tomate indigo à partir de lignées (conservées par le Tomato Genetics Resource Center de l’Université de California-Davis) déjà élaborées par un chercheur Bulgare et un chercheur Etatsunien, dans les années 60, à partir de croisements avec des espèces de tomates sauvages.
Dès 2004, les semences de certaines lignées de tomates indigos d’Oregon State University, en cours d’élaboration – OSU Blue et P20, par exemple – sont distribuées libéralement par des petits mains disséminantes ! Et c’est ainsi que, depuis 2004, de très nombreux passionnés de création variétale de tomates se lancent – parallèlement à Oregon State University – dans l’aventure des tomates indigos : Tom Wagner de Tater Mater Seeds et de New World Seeds & Tubers (Etat de Washington), Mushroom/Alan Kapuler de Peace Seeds (en Oregon), Lee Goodwin de J&L Gardens (au Nouveau Mexique), Brad Gate de Wild Boar Farms (en Californie), Mark McCaslin de Frogsleap Farm (dans le Minnesota)… Et cette aventure consiste à réaliser de multiples croisements entre des tomates réputées savoureuses et les quelques lignées originelles de tomates indigo dont la spécificité est de contenir une très forte teneur en anthocyanes – très forte du moins par comparaison aux autres variétés de tomates car d’autres espèces alimentaires telles que les myrtilles en contiennent 20 fois plus.
Ces fuites de 2004 n’étaient pas autorisées mais cependant bienheureuses car il semble qu’Oregon State University n’ait pas été capable, avec “Indigo Rose” – introduite commercialement en 2012 – d’élaborer une tomate indigo réellement savoureuse. “Indigo Rose” – qui produit des grappes de 6 à 8 fruits de 4/5 cm de diamètre – est l’objet, en France, d’une marque déposée à l’INPI (3993635 dans les classes 1 et 31) par la société Graines Baumaux sous le nom “Latomatebleue Baumaux”. Et ce, totalement à l’insu d’Oregon State University – ce que m’a confirmé le Professeur Jim Myers dans une communication privée.
“Indigo Rose” est l’objet (12) d’une protection juridique (PVP 201100302 – accordée le 18 janvier 2013) sollicitée par OSU. Ce n’est pas la politique normale d’OSU de protéger ses obtentions car toutes les nouvelles variétés de tomates introduites par cette université, en Oregon, relèvent du domaine public. C’est le cas de Gold Nugget, Oregon Spring, Santiam, Oroma, Siletz, Willamette, Oregon Cherry, etc… toutes variétés de tomates développées (par Jim Baggett et son prédécesseur W. A. Frazier) pour les climats humides et frais de l’Oregon et du nord-ouest des USA. C’est donc un manque d’élégance patent qui caractérise ce dépôt de marque par la société Graines Baumaux – pour ne pas le qualifier de simulacre d’appropriation d’une variété qui – si elle n’est pas juridiquement dans le domaine public – est, en fait, accessible à tous sur le plan de la reproduction car Jim Myers l’a protégée justement pour éviter toute tentative d’appropriation par une société privée.
La société Graines Baumaux souffre de crises chroniques de dépôt de marque intempestif. On se rappelle qu’en octobre 2007 la Société Graines Baumaux a déposé la marque “Tomate Kokopelli” à l’INPI (3534645 dans les classes 1 et 31) tout en ayant entamé une procédure judiciaire à l’encontre de notre association en décembre 2005.
De plus, contrairement à ce que prétend Philippe Baumaux, “Indigo Rose”, introduite en 2012, n’est absolument pas la première tomate indigo commercialisée aux USA. En 2010 déjà, Lee Goodwin de J&L Gardens distribuait sa “Bosque Blue” issue d’un croisement entre une souche indigo d’Oregon State University et une variété de tomate rouge, “Amy’s Sugar Gem” (elle-même issue d’un croisement entre “Red Cherry” et “Tappy’s Finest” élaboré par Jeff McCormack). Quant au célèbre Tom Wagner, en 2011, il proposait déjà ses variétés indigo suivantes : “Fahrenheit Blues”, “Alki Blue”, “Blue Angel”, “Blue Fog”, “Blue Streak”, “Clackamas Blueberry”, “Dancing with Smurfs”, “Seattle’s Blue Woolly Mammoth”, “Sunshine Blue” ; et en 2012, il proposait ses variétés indigo suivantes : “Blue Match”, “Blue Bayou”, “Blue Pitts”, “Blue Tears”, “Helsing Junction Blue”, “Out Of The Blue”, “Chocolate Blues” et “Muddy Waters”. En bref, une vingtaine de variétés indigo étaient déjà proposées à cette époque. Une fois de plus, il semblerait que Philippe Baumaux prenne ses désirs indigo pour des réalités – cela dit sans vouloir lui filer le Blues !
Que sont les anthocyanes ?
Les anthocyanes (ou anthocyanosides) – du grec “anthos”, fleur et “kuanos”, bleu sombre – sont des pigments naturels dans le règne végétal qui vont du rouge orangé au bleu-pourpre. Il existe seulement trois espèces de tomates sauvages, dans la Nature, en Amérique Latine, qui contiennent de tels pigments, chaque pigment étant corrélé à un gène différent : le gène “aubergine” (Abg) pour Solanum lycopersicoides ; le gène “anthocyane dans le fruit” (Aft) pour Solanum chilense ; le gène “atroviolaceum” (atv) pour Solanum cheesmaniae. A noter que depuis un certain nombre d’années, le genre Lycopersiconn’existe plus car il a été intégré au genre Solanum. Lycopersicon n’est plus maintenant qu’une section (constituée d’une douzaine d’espèces) au sein du genre Solanum comprenant plus de 1700 espèces.
Solanum lycopersicoides est originaire des versants occidentaux des Andes dans la région frontalière du Pérou et du Chili. Cette espèce est adaptée à des altitudes allant jusqu’à 3600 mètres et à des biotopes arides et froids. Cette espèce est résistante à la fusariose de la tomate, au virus de la mosaïque de la tomate, au virus de la mosaïque du concombre, au chancre bactérien de la tomate (Clavibacter michiganensis), au Phytophthora de la racine (Phytophthora nicotianae var. parasitica), à la pourriture grise (Botrytris cinerea), aux mouches mineuses (Liriomyza trifolii). Comme il est très difficile de travailler avec des croisements directs entre Solanum lycopersicoides et Solanum lycopersicum, les chercheurs ont recours à une autre espèce, Solanum pennellii, (une espèce sauvage très résistante à divers stress et à la salinité) qui leur sert de vecteur intermédiaire. (1)
Solanum cheesmanii est la tomate des Galapagos, une espèce très résistante à la sécheresse et à la salinité, au virus de la mosaïque du concombre, à l’alternariose…
Solanum chilense est une espèce originaire du Pérou et du Chili qui est très résistante en particulier au virus des feuilles jaunes en cuillère de la tomate, au virus de la mosaïque de la tomate, aux nématodes des racines noueuses du genre Meloidogyne, au mildiou, à la salinité, à la sécheresse…
Anthocyanes dans les Tomates Indigo
Les plantes de tomates possédant le gène “atroviolaceum” (atv) se caractérisent par une accumulation d’anthocyanes dans les feuilles, les tiges et les pétioles tandis que les plantes de tomates possédant le gène “anthocyane dans le fruit” (Aft) se caractérisent par une accumulation d’anthocyanes dans l’épiderme du fruit et juste en dessous – sous l’effet de la lumière UV (la production d’anthocyanes est considérée comme étant, vraisemblablement, une réaction de protection). L’accumulation d’anthocyanes commence très tôt, lors de la formation du fruit vert, et elle masque la couleur normale du fruit. Les parties du fruit qui ne sont pas exposées à la lumière UV vont donc garder leur couleur originelle.
La présence simultanée des deux gènes atv et Aft dans une plante de tomate génère une action synergétique de production d’anthocyanes. Selon Giovanni Povero, ce dynamisme synergétique se caractérise, également, par un remodelage complexe de l’expression génétique eu égard, par exemple, aux réactions vis à vis de stress biotiques et abiotiques, au métabolisme hormonal, etc. (2)
L’accumulation d’anthocyanes semble, de plus, privilégier les raies des fruits rayés possédant le gène “green-stripe” (gs) (telle que la variété Green Zebra de Tom Wagner) ou possédant le gène “fruit stripe” (fs) (telle que la variété Siberian Tiger de Tom Wagner). De plus, la très grande variabilité – dans l’intensité de la pigmentation – qui s’exprime dans les multiples croisements effectués depuis une dizaine d’années, par des maraîchers/sélectionneurs passionnés, laissent présager de l’existence de gènes modificateurs inconnus générant des effets dits “épistatiques”.
Danger : Tomates Indigo Chimériques
Une tomate indigo, “Black Galaxy” est introduite en 2012 par Technological Seeds DM, une compagnie semencière Israélienne. C’est une variété hybride F1. Mais ce n’est pas le pire.
En effet, une tomate indigo chimérique est introduite, en 2008, par Jonathan Jones et Cathie Martin, du John Innes Centre en Angleterre, par incorporation de gènes de l’espèce Antirrhinum majus (gueule de loup ou grand muflier). Fin 2013, cette tomate chimérique est cultivée dans une serre de 500 mètres carrés – chez New Energy Farm, dans l’Ontario, au Canada – afin de produire 2000 litres de jus chimérique de tomate indigo qui sont ensuite expédiés, en février 2014, vers Norwich, (4)le village Anglais où se trouve le Norfolk Plant Sciences. Afin d’éviter toute contamination génétique, les jus de fruits chimériques sont garantis sans graines et les plantes ont été brûlées après la récolte ! Les inventeurs de cette tomate chimérique sont confiants qu’elle pourra être commercialisée légalement d’ici deux ans en Amérique du Nord. En attendant ce jour fatidique, les jus de fruits chimériques de tomates indigo sont consommés par des volontaires Anglais susceptibles de développer des maladies cardio-vasculaires. Jonathan Jones et Cathie Martin, les deux inventeurs, lancent, durant l’été 2014, une société de nécro-technologie, Persephone Bio Ltd., dans le but de commercialiser des extraits de tomates chimériques “nécro-fortifiées” (voir Note 1) pour l’industrie des cosmétiques. (3) Cette société se trouve au Norwich Research Park, en compagnie d’une toute nouvelle société de nécro-technologies qui se dédie à la production de vaccins pour la grippe, et de protéines pharmaceutiques, à partir de plantes en utilisant une technologie mise au point par le Professeur George Lomonossoff et Frank Sainsbury.(9) Cette technologie est déjà utilisée par une société pharmaceutique au Canada, Medicago, qui élabore ses vaccins transgéniques à partir de plantes de tabacs de l’espèce Nicotiana benthamiana. (10) Medicago est une société dont le capital est détenu par Philip Morris International (la multinationale du tabac) et le Japonais Mitsubishi Tanabe Pharma.
A quand les tomates indigo chimériques vectrices de vaccins contre les grippes virtuelles de l’OMS ou le tout nouveau virus Pétrolébola ?
Culture des Tomates Indigo
Les tomates de couleur indigo se cultivent comme toutes les autres tomates. Néanmoins, de par leur parenté sauvage très proche, elles se caractérisent par une croissance vigoureuse et très résistante, y compris au froid.
Quant à leur saveur, certaines variétés semblent être plus une réussite que d’autres tout en sachant, bien sûr, que les goûts sont divers et variés. Il reste que le niveau de maturité optimale est parfois plus difficile à appréhender que pour d’autres tomates. En fait, il est conseillé d’attendre que les parties de couleur indigo brillant du fruit prennent une coloration violette-brune, plus terne, afin que la saveur puisse s’exprimer véritablement. Et d’attendre, également, un certain ramollissement des fruits similaire à celui des tomates d’autres couleurs. La saveur n’émerge réellement que lors des derniers jours de maturité. Des fruits récoltés, et exposés à la lumière solaire, verront leurs parties non colorées prendre une coloration indigo en l’espace d’une semaine.
En conclusion, l’introduction d’une pléthore de variétés indigo de tomates risque de révolutionner l’arc-en-ciel des couleurs des tomates. En effet, dans les tomates, la couleur indigo est en fait la plus proche de la couleur noire. Les variétés de tomates dites “noires” avec une chair verte – telles que “Black Prince”, “Noire de Crimée”, “Cerise noire”, “Prune noire”, etc – sont, la plupart du temps, violettes ou brunes avec une configuration génétique dépourvue de gènes codant pour les anthocyanes. Les tomates violettes ou brunes sont avant tout pigmentées par des lycopènes et dans une faible mesure par des bêta-carotènes. Les tomates brunes (“Black Russian”) ont une chair pigmentée par les gènes “R” (red) et “gf” (green flesh/chair verte) et une peau jaune induite par le gène Y (yellow). Les tomates violettes (“Noire de Crimée”, “Cerise noire”) ont une chair pigmentée par les gènes “R” (red) et “gf” (green flesh/chair verte) et une peau incolore induite par le gène y (yellow).
Ce sont 22 variétés de tomates “indigo” qui sont aujourd’hui proposées par l’Association Kokopelli. Et nous invitons tous les jardiniers passionnés à créer leur propres variétés en réalisant des croisements entre les tomates “indigo” actuellement disponibles et les variétés les plus savoureuses de leur préférence – voir la rubrique “création variétale de tomates” aux pages 597 à 600 de l’ouvrage “Semences de Kokopelli”. A quand une tomate “Indigo des Andes” et un “Coeur de Boeuf Indigo” ?
Dominique Guillet. Le 30 novembre 2014.
Note 1. Dans le même registre chimérique de ce que j’appelle la “nécro-fortification”, en janvier 2014, selon un article de la BBC (5), les chercheurs du Rothamsted Research à Hertfordshire, toujours en Angleterre, demandent une autorisation pour cultiver des plantes chimériques capables de produire des acides gras Omega 3 – que l’on trouve communément dans l’huile de poisson (6). Cela fait 15 ans qu’ils travaillent sur des manipulations génétiques permettant d’intégrer 7 gènes d’algues dans des plantes de l’espèce Camelina sativa (le lin bâtard ou sésame d’Allemagne) de la famille des Brassicacées). L’autorisation est vite accordée et les récoltes de ce lin bâtard ont lieu durant l’automne 2014 en Angleterre. (7) (8) Le site de production chimérique est situé à 30 mn de Londres mais les protocoles de “nécro-sécurité” sont bien évidemment respectés : le site est protégé par des clôtures de trois mètres de hauteur, des chiens et des caméras. Le marché qui est visé, vers 2020, par la création de telles chimères, est l’industrie de la margarine ainsi que l’industrie de l’élevage de poisson.