Classification botanique
Le Piment, Capsicum sp., fait partie de la Famille des Solanaceae et de la Tribu des Solaneae. Le genre Capsicum comprend environ 27 espèces connues. Le terme Capsicum vient du Grec “kapto” qui signifie “mordre”. Il existe cinq espèces domestiquées qui sont les suivantes : Capsicum annuum, Capsicum baccatum, Capsicum chinense, Capsicum frutescens et Capsicum pubescens.
Voici une clé simple permettant de les d’identifier :
1. Graines noires, corolle violette : Capsicum pubescens
1. Graines claires : aller à n° 2
2. Corolle avec des taches de couleurs : Capsicum baccatum
2. Corolle sans taches de couleurs : aller à n° 3
3. Corolle de couleur blanche : aller à n° 4
3. Corolle de couleur verdâtre : aller à n° 5
4. Fleurs solitaires et filets staminaux non violets : Capsicum annuum
4. Fleurs par deux ou plus à chaque node et filets staminaux violets : Capsicum chinense
5. Fleurs solitaires : Capsicum frutescens
5. Fleurs par deux ou plus à chaque node : Capsicum chinense
Capsicum frutescens
La variété la plus réputée de cette espèce est le Tabasco qui est l’ingrédient principal de la célèbre sauce du même nom commercialisée depuis 125 années. Une autre variété réputée est la Malagueta qui pousse à l’état sauvage dans le bassin Amazonien du Brésil qui est sans doute la région d’origine de l’espèce Capsicum frutescens. Le nom le plus commun que l’on attribue aux formes non domestiquées de cette espèce est “piment-oiseau”. Il n’a été retrouvé aucun vestige de Capsicum frutescens dans les sites archéologiques de l’Amérique du sud et de l’Amérique centrale. Les ethnobotanistes pensent que la région de domestication fut Panama et qu’ensuite Capsicum frutescens se développa vers le Mexique et les Caraïbes. La variété Tabasco était cultivée vers 1840 à Tabasco au Mexique et elle fut mise en culture en 1848 en Louisiane. Aujourd’hui, des quantités considérables de Tabasco sont en culture en Colombie et en Amérique centrale afin d’être expédiées en Louisiane pour la confection de la sauce. Certaines variétés de Capsicum frutescens s’acheminèrent vers l’Inde et l’Extrême-Orient où on les appelle encore des piments-oiseaux. Ils entrent dans la confection de sauces et de currys.
Les plantes de Capsicum frutescens ont une croissance compacte et leur hauteur varie entre 30 cm et 1 m 20, en fonction des conditions climatologiques et de culture. Leur développement est beaucoup plus conséquent dans les régions chaudes. Leurs feuilles sont lisses et mesurent 6 cm de longueur. Les fleurs se caractérisent par une corolle verdâtre sans tâche de couleur et avec des anthères violettes. Les fruits sont érigés et mesurent entre 6 mm et 4 cm de longueur. Ils sont de couleur verte ou jaune à l’état immature et ils sont de couleur rouge à l’état mature. Les différentes variétés de l’espèce Capsicum frutescens se situent entre 30 000 et 50 000 unités de Scoville.
On peut aisément les cultiver en pots durant plusieurs années de suite. Un seul plant peut produire au minimum une centaine de fruits à l’année et beaucoup plus en fonction des conditions de culture. L’espèce se caractérise par peu de variations quant aux formes des fruits. Elle est restée relativement sauvage. Elle n’a sûrement pas bénéficié des mêmes attentions et tentatives de domestication et de sélection que Capsicum annuum et Capsicum chinense. Ceci est en partie dû au fait que les petits fruits se détachent et tombent très aisément au sol à maturité. Ce dernier trait a, par contre, considérablement augmenté leur capacité de dissémination très rapide par les oiseaux dont le tractus digestif est insensible à la capsaïcine.
Capsicum pubescens
C’est la seule espèce domestiquée sans forme sauvage que l’on connaisse. Il existe, cependant, deux espèces sauvages très proches qui sont Capsicum cardenasii et Capsicum eximium. Le centre d’origine de cette espèce est la Bolivie et elle fut probablement domestiquée aux alentours de 6000 avant Jésus-Christ. C’est une des plus anciennes plantes domestiquées en Amérique. C’était le piment le plus répandu chez les Incas et il l’est encore dans leur ancienne capitale Cuzco. Il est cultivé aujourd’hui dans les Andes, du Chili à la Colombie et sur les haut plateaux de l’Amérique centrale. Son nom commun est “rocoto” ou “locoto”. Au Mexique, on l’appelle également “chile manzano”, “chile peron” ou “chile caballo”, signifiant respectivement pomme, poire et cheval.
Capsicum pubescens se caractérise par un port compact ou érigé. Cette espèce est également parfois rampante. Sa hauteur atteint 1m20. En Bolivie et au Guatemala, certaines plantes peuvent atteindre 5 mètres de hauteur. Ses feuilles sont recouvertes d’un épais duvet.
Les fleurs ont une corolle violette avec des anthères blanches et violettes et elles sont érigées au-dessus des feuilles. Les fruits sont verts à l’état immature et à maturité complète, ils sont jaunes ou oranges ou rouges. Sur l’échelle de Scoville, ils titrent entre 30 000 et 50 000 unités de Scoville et parfois un peu plus. Les variétés de Capsicum pubescens se caractérisent par un composé unique de capsaïcinoides qui laisse croire aux amateurs qu’elles sont plus fortes que les Habaneros. Ce sont cependant ces derniers (Capsicum chinense) qui sont de loin les plus forts. Les semences sont de couleur noire.
Tout comme Capsicum frutescens, Capsicum pubescens manifeste peu de diversité quant aux formes des fruits. Il semble que sa forme sauvage ait totalement disparu et il est possible qu’il n’y ait pas assez de diversité génétique pour que l’on puisse avoir des formes aussi variées que dans les autres espèces. De plus, Capsicum pubescens ne se croise naturellement avec une autre espèce, ce qui limite également les transferts possibles de gènes.
Une autre raison peut expliquer le peu de sélection dont elle a été l’objet : Capsicum pubescens ne pousse que dans des régions bénéficiant d’un spectre très réduit de température, à savoir dans les zones de hautes montagnes des régions tropicales. Les plantes supportent de légères gelées.
La période de croissance est assez longue, autour de 120 jours ou plus. Cette espèce tolère bien l’ombrage car son feuillage peut brûler en plein soleil. En règle générale, Capsicum pubescens ne tolère pas bien les climats très chauds.
On a remarqué que certaines plantes ne portaient pas de fruits dans des régions tempérées : cela est peut-être dû au fait que ces plantes soient auto-incompatibles. Il faut transférer du pollen d’une autre plante pour que la fécondation puisse se manifester.
Chaque plante peut produire jusqu’à une trentaine de fruits, en fonction de la longueur de la saison de croissance. Les plantes de cette espèce peuvent vivre pendant plusieurs années en pots. Elles craignent un excès d’azote qui va stopper le processus de fructification. Les fruits sont consommés frais car il est très difficile de les sécher en raison de l’épaisseur de leur chair.
Capsicum baccatum
C’est l’espèce que l’on nomme “aji” en Amérique latine et son centre d’origine est en Bolivie ou au Pérou. Selon les données archéologiques, elle est cultivée depuis 2500 ans avant Jésus-Christ. Il en existe au moins deux formes sauvages, Capsicum baccatum var. baccatum et Capsicum baccatum var. microcarpum ainsi que de nombreuses formes domestiquées. L’espèce Capsicum baccatum se distingue généralement des autres espèces par les taches de couleur jaune ou bronze sur la corolle et par la couleur jaune de ses anthères. Il existe une très grande diversité de formes de fruits. Une variété du nom de “puca-uchu” pousse comme une vigne dans les jardins familiaux.
Capsicum baccatum est très répandue dans les pays d’Amérique du sud et au Costa-Rica ainsi qu’en Inde. Les plantes sont assez grandes et peuvent atteindre 1m50. Les branches sont nombreuses et érigées. La période de croissance est de 120 jours et plus. La corolle des fleurs est blanche avec des taches distinctes de couleur vert foncé ou brun. Les anthères sont de couleur jaune ou bronze. La couleur des fruits à maturité est orange ou rouge ou jaune ou brun. Ils titrent entre 30 000 et 50 000 unités de Scoville. Les fruits ont une saveur fruitée spécifique. Ils se sèchent facilement et permettent de confectionner des poudres de diverses couleurs. En Amérique du sud, l’aji séché est parfois appelé “cuzqueno” en référence à la ville de Cuzco.
Capsicum chinense
Cette espèce est souvent appelée “Habanero”. Cependant, cette appellation n’est pas correcte car il existe des centaines de variétés au sein de l’espèce et parce que le terme “Habanero” fait référence à un type particulier de fruit que l’on trouve dans la Péninsule de Yucatan au Mexique. Le bassin Amazonien est le centre d’origine de cette espèce. On a retrouvé un fruit intact de Capsicum chinense, dans la grotte Guitarrero au Pérou, dont l’âge est estimé à 6500 ans avant Jésus-Christ. Ce fut un naturaliste, Bernabe Cobo, qui fut le premier Européen à étudier au 17 ème siècle l’espèce Capsicum chinense. Lors de ses voyages en Amérique du sud, il découvrit au moins 40 variétés de Capsicum chinense dont les fruits variaient en couleurs et en formes (de la taille d’un grain de blé à celle d’une grosse prune). Ce fut ensuite un médecin Hollandais, Nikolaus von Jacquin, qui recherchait des plantes pour l’Empereur Francis 1er de 1754 à 1759 dans les Iles Caraïbes, qui nomma l’espèce à tort Capsicum chinense dans son ouvrage “Hortus botanicus vindobonensis”.
C’est un grand mystère de la botanique qu’une espèce originaire des Caraïbes puisse être nommée “chinoise” de la part d’un botaniste qui n’avait jamais voyagé en Chine alors que les premiers travailleurs Chinois n’arrivèrent à Cuba qu’au début des années 1800. Ce mystère ne sera sans doute jamais résolu et nous restons avec une espèce Chinoise de piment qui n’est pas de Chine !
Capsicum chinense est le piment le plus cultivé à l’est des Andes en Amérique du sud actuellement. Il en existe de très nombreuses variétés et ils varient sur l’échelle de 0 à plus de 500 000 unités de Scoville. Avec le temps, ces variétés se sont répandues dans les Iles Caraïbes et elles portent des noms très divers et colorés : Congo pepper, bonney pepper, “le derrière de Madame Jacques”, piment-bouc, cacucha, rocotillo, scotch bonnet…
La hauteur des plantes varie de 30 cm à 1m50, en fonction des conditions de culture. Certaines variétés vivaces peuvent atteindre près de 3 mètres dans les tropiques. Les branches sont nombreuses et érigées. Les feuilles sont gaufrées et très grandes et peuvent atteindre 15 cm de longueur. Les fleurs possèdent une corolle blanche ou verte avec des anthères violettes. Les fruits varient considérablement en taille, de 6 mm à 13 cm de longueur. Leur couleur immature est généralement verte. À maturité complète, ils sont de couleur rouge, ou orange ou jaune ou blanche. Il existe même quelques variétés de fruits bruns à maturité. Ils possèdent une saveur très fruitée que l’on compare parfois à celle de l’abricot. Ce parfum est présent quelque soit la variété et quelque soit le niveau de capsaïcine.
La variété la plus “chaude” testée sur l’échelle de Scoville titrait à 577 000 unités. Un Habanero, par exemple, est 50 fois plus fort qu’un Jalapeno. Il existe cependant des variétés de Capsicum chinense totalement exemptes de capsaïcine. Capsicum chinense est une espèce qui préfère les climats humides avec des nuits chaudes. Il est à noter que les semences prennent beaucoup de temps avant de germer.
Capsicum annuum
Cette espèce a pour ancêtre probable le chiltepin sauvage, Capsicum annuum var. aviculare. Les botanistes pensent que le chiltepin est l’espèce survivante la plus proche des formes primitives de Capsicum annuum qui se développèrent au Brésil et en Bolivie bien avant que les hommes ne s’y installent.
Lorsque les Espagnols arrivèrent au Mexique, les Aztèques avaient déjà développé des douzaines de variétés de Capsicum annuum. Les explorateurs ramenèrent des semences en Europe et cette espèce se répandit ensuite très rapidement en Afrique, en Inde et dans le reste de l’Asie. C’est l’espèce de piment la plus communément cultivée dans le monde et il en existe des milliers de variétés.
Nous proposons ici une classification présentée en 1987 par Smith, Villalon et Villa et reprise ultérieurement par Jean Andrews, auteur de “The Pepper Lady’s” et de “Peppers. The Domesticated Capsicum”. Cette classification prend en considération 6 grands types, eux-mêmes parfois divisés en groupes.
1. Gros fruits à la chair épaisse
A. Groupe des poivrons. Les fruits sont très gros et sont à trois ou quatre lobes. La majorité de ces variétés sont douces bien que quelques variétés fortes aient été développées récemment. California Wonder, Yolo Wonder…
B. Groupe des Pimentos. Les fruits sont en forme de coeur ou de tomate avec une chair épaisse.
– Pimento et ses variétés : Sweet Heart, Lipstick, Apple, Perfection, Choco, Sweet Chocolate, Gift from Moldova, Healthy…
– Piment-tomate et ses variétés : Sunnybrook, Yellow Cheese, Tangerine, Canadian Cheese, Klari Baby Cheese, Pimento Super Red, Topito Cheese, Alma Paprika, Red Ruffled…
2. Fruits larges avec un épiderme fin
Groupe des Anchos. Les fruits sont larges à la base (qui est en forme de coupe ) et pointus à l’extrémité.
– Poblano et ses variétés
– Ancho et ses variétés
– Mulato et ses variétés
3. Fruits longs et élancés.
A. Groupe des Anaheim et New Mex.
– Anaheim/New-Mex et ses variétés : Ortega, Sunset, Sunrise, Naky, Eclipse, Espagnola
– Chilaca
– Chicoztli
– Pasilla
B. Groupe des Cayennes.
– Cayenne et ses variétés. Hot Portugal, Yellow cayenne, Charleston Cayenne, Joe Parker, Sandia Hot, Ring o Fire, Long Slim Cayenne
– De Arbol, Sunburst
– Guajillo
– Mirasol
– Japones , Hontaka, Santaka, Takanotsume, Poinsettia, Yatsafusa
– Romesco
– Thai, Cabai Burong, Chi Chien
C. Groupe des Ethniques.
– Cubain comme Cubanelle
– Italien comme Pepperoncini, Italian sweet, Corno di Toro, Golden Treasure…
– Europe de l’est comme Romanian, Szegedi, Cecei, Romanian Sweet, Antohi Romanian
– Japonais comme Japanese Shishitou
4. Fruits longs ne dépassant pas 7,5 cm. Verts quand immatures.
A. Groupe des Jalapenos.
– Jalapeno et ses variétés : Jaloro, Ole.
B. Groupe des Serranos.
– Serrano et ses variétés : Altamira, Cuauhtemoc, Cotaxtla, Hidalgo, Panuco…
C. Groupe des coniques allongés. Epiderme assez fin. Immature vert. Mature rouge.
– Catarina
– Turkish
– Costeno
D. Groupe des petits allongés. Epiderme assez fin. Immatures verts. Matures, rouges ou jaunes.
– Peter Pepper
E. Groupe des très petits, ronds ou ovales. Epiderme très fin. Saveur très forte. Immatures verts. Matures rouges ou rouge-noir.
– Chiltepin, Trinidad Bird Pepper
F. Groupe des très petis coniques allongés. Epiderme très fin. Saveur très forte. Immatures verts. Matures rouges.
– Chile piquin.
5. Fruits petits (jusqu’à 5 cm), ronds ou ovales. Chair épaisse.
A. Groupe des Piment-cerises.
– Sweet cherry, Cherry Time, Chocolate Cherry
– Hot cherry, Marbles
– Cascabel
B. Groupe des squash.
– Squash rouge
– Squash jaune
6. Fruits cireux, normalement jaunes quand immatures.
A. Groupe des petits cireux avec phase jaune
– Cascabella
– Santa Fe Grande
– Caloro
– Floral Gem, Bouquet, Fiesta
B. Groupe des petits cireux avec phase jaune-verte
– Fresno
C. Groupe des longs cireux
– Banana. Sweet Banana, Yellow Banana
– Hungarian Wax
Histoire
Un des trésors que Christophe Colomb ramena de son premier voyage en Amérique fut une épice très communément utilisée par les peuples de ce continent et que l’on appelait “aji” dans les îles des Caraïbes. Christophe Colomb, qui pensait avoir atteint l’Inde, nomma cette épice “pimiento”, s’inspirant de “pimienta”, nom donné en espagnol à l’épice orientale du genre Piper. C’est de cette confusion que provient l’origine des différentes appellations des plantes du genre Capsicum : pimiento en Espagnol, pepper en Anglais, peperone en Italien, piment et poivron en Français, paparka et paprika en Hongrois, piperka en Bulgare, etc… Lorsque les Conquistadores envahirent l’Amérique centrale en 1519, ils découvrirent les formes domestiquées de Capsicum annuum et apprirent son nom “chilli” dans la langue Nahuatl. C’est de ce nom que nous viennent les appellations “chile” en Espagnol et “chili” en Anglais.
Pendant plus de 10 000 ans, l’homme a été fasciné par cette plante sauvage aux fruits d’un rouge étincelant qui “mordent quand on les mord”. Elle fait partie des premières plantes domestiquées, en Amérique du sud et du centre, en compagnie du maïs, des courges, de l’amaranthe, de la quinoa et des haricots. Les piments ramenés par Christophe Colomb se disséminèrent si rapidement dans tous les pays du monde que, pendant très longtemps, des botanistes émérites furent convaincus que leurs pays d’origine étaient l’Inde et l’Indonésie. En effet, à peine un demi-siècle après le premier voyage de Christophe Colomb, les piments s’étaient déjà solidement implantés dans certains pays telles que l’Inde, l’Indonésie et la Chine.
Il existait auparavant en Amérique au moins 27 espèces dans le genre Capsicum. La première preuve de la présence des piments dans le régime alimentaire humain fut amenée par la découverte des sites de Tamaulipas et de Tehuacan au Mexique, qui sont estimés à 7500 ans avant Jésus Christ. Il a également été trouvé un fruit entièrement préservé dans la grotte Guitarrero du Pérou estimée à 6500 ans avant Jésus Christ. Les experts ne pensent pas, cependant, que les piments étaient déjà cultivés : ils étaient cueillis sauvages. Ils estiment, néanmoins, que la première culture domestiquée remonte à 3300 ans avant l’Ere Commune. Les Andes furent une des régions principales de domestication des piments. Nos connaissances relatives à l’usage culinaire des piments, durant la période pré-colombienne, proviennent de nombreuses sources : découvertes archéologiques, artisanat indigène, illustrations de l’époque, récits des explorateurs Espagnols et Portugais, observations botaniques et études des habitudes alimentaires des descendants actuels des peuples Maya, Inca et Aztèque.
Selon l’historien Garcilaso de la Vega, connu sous le nom de “El Inca” (Commentaires Royaux des Incas. 1609), les piments constituaient les fruits favoris des Incas et étaient connus sous le nom de “Uchu”. Les Incas révéraient le piment comme un des quatre frères dans leur mythe de la création : “Agar Uchu” était considéré comme le frère du premier empereur Inca. Pour ce peuple, les piments étaient des plantes sacrées et leurs jeûnes les plus rigoureux étaient les jeûnes proscrivant la consommation de piments. Ils considéraient que les piments étaient excellents pour la vue et qu’en plus ils éloignaient les créatures venimeuses. Les piments étaient également un aliment favori chez les peuples Maya et Aztèque d’Amérique centrale. Chez ces deux peuples, le petit déjeuner était souvent constitué d’une bouillie de maïs épicée de piment. Les Aztèques étaient réputés utiliser les piments avec tous leurs autres aliments. Ils en épiçaient même une de leurs boissons favorites, à savoir le cacao. On retrouve encore, de nos jours, cette coutume chez certains peuples tels que les Indiens Cicatec des haut-plateaux du sud-Mexique : ils ont, en effet, une boisson, réservée à certains rituels, préparée avec du jus de canne fermentée, du cacao et du chilli ! Les piments étaient ainsi un des éléments essentiels de la vie culinaire, médicale et religieuse des Amérindiens de l’Amérique centrale. Tout comme en Amérique du sud, ils étaient parfois utilisés comme monnaie d’échange pour acquérir des boissons ou d’autres choses. Ils constituaient l’un des tributs les plus précieux à l’empereur du peuple Aztèque. Ces tributs étaient ensuite revendus à Tenochtitlàn (actuellement Mexico), sur le marché de la grande place de Tlatelolco. Les Espagnols étaient étonnés de la taille et de la complexité de ce marché : des milliers de vendeurs y fourmillaient et les rumeurs pouvaient s’entendre à 5 km à la ronde. Les Espagnols n’avaient jamais vu un marché aussi grandiose, même pas à Rome ou à Constantinople.
Nutrition
Quelle est la valeur nutritive et médicale de ces piments de toutes les couleurs ? Pourquoi ces piments ont-ils imprégnés aussi intimement toutes les cuisines du monde ? Pourquoi certains peuples, tels que les Mexicains, consomment-ils, par personne, un kilogramme de piment sec par année et le préfèrent-ils aux oignons et aux tomates ? Totalement bannis par les uns et portés aux plus hautes nues par les autres, la réputation des piments n’est plus à faire. Soit on les accuse de tous les maux de la terre, soit on les considère comme les plus souverains des remèdes capables de soulager des douzaines de déséquilibres importants : indigestion, bronchite, épilepsie, malaria, fièvres, migraines, hémorroïdes, rhumatismes, scorbut, tumeurs, problèmes vénériens, congestions, etc.
Une de leurs qualités thérapeutiques fut mise en valeur lorsque l’on prouva scientifiquement le lien entre la vitamine C et la prévention du scorbut. Les piments, en effet, font partie de la petite histoire de l’attribution d’un prix Nobel. En 1928, Albert Szent-Györgyi, professeur à l’Université de Szeged en Hongrie, réalisait de nombreuses expériences sur une substance qu’il appelait “Dieu seul le sait”. Il en produisit, tout d’abord, un peu à partir des glandes surrénales du bétail et il l’appela alors l’acide ascorbique. Le professeur vivait dans le coeur du pays du Paprika et un jour qu’il n’était pas enclin à honorer le plat, à base de piments, préparé par son épouse, il plaisanta qu’à défaut de le savourer il pourrait l’étudier en laboratoire. C’est alors qu’il découvrit que les piments représentaient une source excellente de cet acide ascorbique que l’on appelle, de nos jours, la vitamine C. En 1937, on lui décerna la prix Nobel en physiologie et médecine pour ses travaux sur la vitamine C.
On connaît aujourd’hui l’importance de la vitamine C pour le corps humain, pour la croissance et la régénération des tissus, pour la résistance aux maladies et on peut comprendre que les navigateurs du 17 e siècle aient adopté les piments lors de leurs longues croisières. Les piments verts possèdent une haute teneur en vitamine C, deux fois plus que les citrus. La vitamine C est, cependant, une des vitamines les moins stables : elle se détruit au contact de l’air, et de la chaleur ; elle est soluble dans l’eau ; elle est sensible à la déshydratation. Pour 100 grammes de piment frais, il y a 369 milligrammes de vitamine C. Il n’en reste plus que 154 milligrammes dans les piments séchés et il n’en reste que très peu dans la poudre de piment sec, à savoir 10 milligrammes.
Les piments contiennent une autre vitamine essentielle à la santé humaine, la vitamine A qui, par contre, est une des vitamines les plus stables et qui n’est affectée ni par la cuisson, ni par le temps, ni par la conservation. Pour 100 grammes de piments frais, il y a 770 unités de vitamine A. Cependant, au contraire de la vitamine C, cette quantité augmente considérablement lorsqu’on sèche les piments rouges et atteint les 77 000 unités, à savoir cent fois plus que dans les piments frais verts et donc beaucoup plus que dans la carotte. Quelle que soit la valeur nutritionnelle des piments, ils restent un aliment à cuisiner avec prudence. La capsaïcine, une des principales sources de chaleur dans les piments, est produite par des glandes situées à la jonction entre le placenta et l’enveloppe du piment. La capsaïcine n’est pas uniformément répartie à l’intérieur des fruits des piments. Contrairement à ce qui est souvent prétendu, ce ne sont pas les semences qui sont la source principale de chaleur. En raison, néanmoins, de leur proximité avec le placenta, elles absorbent occasionnellement de la capsaïcine. Cette substance se trouve approximativement à 90 % dans le placenta, à 6 % dans les autres tissus du fruit et à 4 % dans les semences.
La capsaïcine est un alcaloïde incroyablement puissant et stable qui n’est pas affecté, semble-t-il, par la cuisson ou par le froid. De par sa structure, elle est très proche de la vanille. Une goutte de capsaïcine diluée dans 100 000 gouttes d’eau génère une brûlure de la langue. La même goutte diluée dans 1 million de gouttes d’eau va produire une sensation de chaleur qui est encore perceptible par les sens.
N’ayant ni saveur, ni couleur, le degré de présence de cette substance ne peut être mesuré que dans un laboratoire spécialisé. À l’initiative d’un pharmacien, Wilbur Scoville, oeuvrant dans un laboratoire confectionnant des onguents à base de capsaïcine pour les muscles, une échelle de mesure fut réalisée aux USA afin de tester le “feu” des milliers de variétés de piments. Cette échelle est graduée de 1 à 10, ou de 0 à 550 000 unités de Scoville. La plupart des poivrons que nous connaissons ne contiennent quasiment pas de capsaïcine alors que les variétés Habanero, Bahamian, Santaka, Thai, Chiltepin, Aji, Cayenne, Tabasco figurent parmi les plus puissantes.
La capsaïcine n’est pas le seul alcaloïde présent dans les capsicum. Des études récentes ont souligné la présence d’autres alcaloïdes : dihydrocapsaïcine, nordihydrocapsaïcine, homocapsaïcine, homodihydrocapsaïcine.
Les amateurs de piments péchant par imprudence et se brûlant avec des plats extrêmement pimentés seront avisés de se rincer la bouche avec une tasse de lait ou de consommer de suite un produit lacté, yoghourt, crème ou crème glacée. C’est une des façons les plus rapides de se débarrasser des sensations de brûlure et l’apaisement se manifeste au bout de 7 minutes environ. Dans certaines régions du Mexique, c’est un verre d’eau qui est considéré comme la source la plus rapide de soulagement malgré que les scientifiques pensent que cela ne soit pas fondé.
Ces porteurs de feu que sont les piments sont-ils véritablement dangereux pour la santé de l’homme ? Depuis des dizaines d’années, les chercheurs se sont penchés sur ces plantes qui peuvent aussi bien provoquer le mal que le guérir. Ainsi, il est prouvé que la capsaïcine peut induire des brûlures sur les mains ; cependant, cette substance est utilisée dans la confection d’onguents souverains. On prétend également que les piments provoquent des hémorroïdes alors que certaines personnes en consomment pour remédier à ces mêmes hémorroïdes.
Dans le même ordre d’idées, il est souvent soutenu que les piments occasionnent des désastres dans le système gastro-intestinal humain et provoquent des brûlures, des gastrites, des diarrhées et des ulcères. De nombreuses expérimentations médicales ont, cependant, prouvé que ces assertions sont pour la plupart largement erronées. Ainsi, en 1988, une équipe de médecins, d’un centre médical de Houston au Texas, entreprit d’utiliser une technique connue sous le nom de vidéoendoscopie : l’inspection visuelle de l’estomac grâce à un système vidéo. Douze volontaires s’abstenant totalement d’ordinaire de l’usage de piments, furent invités à consommer différents types d’aliments : nourriture normale non pimentée, de l’aspirine, des plats mexicains et de la pizza. L’endoscopie était réalisée après chaque repas afin de déterminer les éventuelles lésions des parois de l’estomac. L’aliment le plus dévastateur, de loin, fut le repas normal en combinaison avec de l’aspirine.
Il serait bien sûr important de connaître la composition de ce repas dit normal : était-ce du fast-food ou un bon repas bio ? Néanmoins, les chercheurs incrédules procédèrent à d’autres expérimentations. Ils pulvérisèrent directement du Tabasco sur les parois stomacales et cette fois des lésions des muqueuses se manifestèrent mais il s’avéra que ces lésions étaient, en fait, dues à la présence du vinaigre dans la sauce au piment fort. Ils entreprirent alors d’injecter directement 30 grammes de Jalapenos frais dans l’estomac. Ils ne purent alors déceler, à leur grand étonnement, aucune lésion des muqueuses. Certains chercheurs affirment même que la consommation de piments permet de protéger les parois de l’estomac contre les dommages occasionnés par l’usage de l’aspirine ou de l’alcool.
Echelle de Scoville
Les piments contiennent une substance appelée “capsaïcine” qui stimule les terminaisons nerveuses: notre cerveau “pense” alors que nous sommes en douleur et libère des substances appelées endorphines.
L’échelle de Scoville (du nom de son “inventeur”) mesure le taux de capsaïcine dans telle ou telle variété. Ce taux peut cependant grandement varier en fonction des fruits, de la saison, de la qualité du sol, etc. La capsaïcine pure titre à 16 millions d’unités de Scoville. Voici un tableau des équivalences en unités de Scoville et en échelle de 10.
– 0 : de 0 à 100 unités de Scoville.
– 1 : de 100 à 500 unités de Scoville.
– 2 : de 500 à 1000 unités de Scoville.
– 3 : de 1000 à 1500 unités de Scoville.
– 4 : de 1500 à 2500 unités de Scoville.
– 5 : de 2500 à 5000 unités de Scoville.
– 6 : de 5000 à 15 000 unités de Scoville.
– 7 : de 15 000 à 30 000 unités de Scoville.
– 8 : de 30 000 à 50 000 unités de Scoville.
– 9 : de 50 000 à 100 000 unités de Scoville.
– 10 : de 100 000 à 300 000 unités de Scoville.
– 10+ : de 300 000 à 550 000 unités de Scoville.
Conseils de jardinage
Germination
Conservées dans des conditions de température (autour de 5°C) et d’hygrométrie adéquate, les semences de piments sont viables à 80% après trois années de stockage. Il existe peu de capsaicinoides à l’intérieur des graines mais le peu qui soit présent facilite, semble-t-il, le processus de germination. En effet, de nombreuses graines de piments prennent un certain temps avant de germer et les champignons, qui ne font pas bon ménage avec les graines de piments, ont donc toute latitude possible pour les anéantir. Les capsaicinoides seraient donc un outil de lutte contre ces champignons. Certains chercheurs Canadiens ont même démontré que si un champignon “attaquait” un jeune fruit de piment Tabasco avant que des capsaicinoides aient été produits, la plante en élaborait très rapidement, sous 24 heures, afin de stopper la croissance de l’attaquant.
Quelques précautions semblent indispensables afin d’éviter les désagréments provoqués par ces petits champignons. Tout d’abord, il est conseillé aux jardiniers qui collectent leurs propres semences de ne les choisir qu’à partir de fruits très sains. Il est même préférable d’écarter tous les fruits qui ont été grignotés par des limaces ou autres intrus. Au moment du semis, il existe une modalité très simple de ”nettoyage” des semences. Cela consiste à mettre les semences dans un petit sac de tulle et à le laisser tremper pendant 10 minutes dans un mélange d’eau stérilisée et d’eau de Javel, tout en remuant de temps en temps. Les semences doivent ensuite être rincées dans de l’eau stérilisée. Cette opération peut être renouvelée une ou deux fois.
Les semences de piments doivent être semées de 8 à 11 semaines avant la période de repiquage dans le jardin. Plus la température ambiante est chaude, plus vite les semences vont germer. En fonction de cette température, la germination peut prendre d’une à trois semaines. Ainsi, avec une température ambiante de 27°, on obtient une germination en une dizaine de jours tandis qu’à une température ambiante de 18°, cela prend une vingtaine de jours. Il est conseillé de n’arroser le substrat de culture qu’avec de l’eau tiède.
Soins aux jeunes plants
La précocité de la floraison n’est pas influencée par les nuits fraîches comme il en est pour les tomates. En effet, les piments ne commencent à fleurir que lorsqu’ils ont développé entre 9 et 11 noeuds foliaires. Les nuits fraîches influent, cependant, sur la croissance du piment : elles accentuent la tendance à la ramification. Comme les piments produisent leurs fleurs à la base des branches, plus la plante est ramifiée, plus abondante sera la production de fruits. Une exposition judicieuse à ces nuits fraîches permet, aussi, de fortifier les plants, avant de les repiquer dans le jardin, donc de diminuer le choc du repiquage et par là-même, d’accroître le nombre de fruits mûrs en fin de saison.
Par contre, il faut tenir également compte du fait que les nuits fraîches ralentissent la croissance générale de la plante. Les jardiniers de régions plus au nord seront donc vigilants de n’exposer leurs jeunes plants que durant le laps de temps nécessaire à leur endurcissement. Les piments sont plus sensibles que les tomates à l’intensité lumineuse. Les jardiniers ne disposant que de peu d’espace de culture seront avisés de privilégier les piments quant à l’exposition lumineuse.
Conditions de culture au jardin
Les piments possèdent un système racinaire fibreux. Lorsque la terre de jardin est profonde et bien aérée, les racines peuvent se développer jusqu’à 50 cm de profondeur et s’étendent jusqu’à 90 cm en toute direction. Ce système racinaire très développé permet aux piments de faire un usage optimum de l’eau présente dans le sol. C’est donc une culture qui ne requiert pas de fréquents arrosages lorsque la qualité de la terre est idéale. Il semble, cependant, qu’à conditions égales, les piments aient besoin d’un peu plus d’eau que les tomates.
Le repiquage des jeunes plants de piments peut se faire au niveau des premières vraies feuilles. Tout comme pour les tomates, les parties de tiges enterrées vont alors générer des racines. En fonction des variétés mises en culture, l’espace entre deux plants peut varier de 30 à 70 cm . Les piments sont sensibles à un excès d’azote, surtout d’azote chimique : ils développent alors beaucoup de végétation et peu de fruits. Par contre, une terre enrichie d’un compost bien équilibré va influer positivement sur la précocité et le productivité des fruits. Le fumier de volaille est déconseillé car les piments n’apprécient pas les sols trop salins.
En règle générale, les piments n’aiment pas les sols trop acides. Un pH entre 6.0 et 6.5 semble être idéal. Les jeunes plants de piments n’apprécient pas trop les limaces, ou les escargots, qui les dévorent en l’espace de quelques heures nocturnes.
Les piments sont également sensibles à une déficience en phosphore du sol : ils produisent alors des feuilles grisâtres et des fruits élancés. Les piments souffrant d’une déficience en potassium vont produire des feuilles de couleur bronze, avec des taches le long des veines, et des fruits chétifs et peu nombreux. On peut alors rééquilibrer la terre par l’apport de cendres à la base de chaque plante déficiente.
Les racines de piments sont relativement sensibles à la température du sol : leur croissance stoppe lorsque la température du sol est trop élevée (par exemple autour de 29°) ou bien trop basse (par exemple autour ou en dessous de 10°). Il est conseillé d’utiliser du mulch tant dans les régions très chaudes du sud que dans les régions fraîches du nord ou des zones montagneuses.
Dans les régions fraîches, il est conseillé de réchauffer le sol avec un plastique noir quelques semaines avant le repiquage. Au moment du repiquage, cette couverture peu esthétique peut être remplacée par des pierres plates disposées autour des plantes en tant qu’accumulateurs de chaleur.
Quant aux régions sujettes, au contraire, aux excès de chaleur durant l’été, il est conseillé de disposer, dès le repiquage, ou dès l’assaut des grandes chaleurs, un mulch rafraîchissant qui permette au sol de rester frais.
Les jardiniers vivant dans des régions considérées comme marginales quant à une croissance harmonieuse des piments, peuvent mettre à profit les expériences d’autres jardiniers. Une des modalités expérimentées consiste à élaborer une tranchée de 15 cm de profondeur, avec une largeur de 20 cm à la base et de 25 cm à la surface du sol. Les piments sont ensuite repiqués au fond des tranchées qui vont conserver la chaleur solaire, offrir une protection contre les vents et éviter les trop grandes fluctuations de température du sol. Les tranchées peuvent être recouvertes d’un voile de forçage ou d’un plastique fendu dans le milieu. Les résultats peuvent être spectaculaires : une plus grande précocité et une augmentation de 50% du nombre des fruits mûrs.
Récolte
Lorsque les conditions climatiques sont adéquates, les piments croissent très rapidement. Tout comme pour les tomates, il est de loin préférable de les cueillir lorsqu’ils sont mûrs. Les piments verts et immatures ne sont pas aussi juteux et parfumés que les piments mûrs. Plus le piment mûrit sur la plante, plus sa saveur est excellente. La plupart des variétés, à maturité complète, ont des fruits de couleur rouge. Il en est, cependant, dont les fruits sont jaunes, oranges ou presque noirs lorsqu’ils sont complètement mûrs. Le processus de mûrissement est semblable à celui des tomates : la chlorophylle verte disparaît et est remplacée par des pigments rouges appelés les caroténoïdes. Tout comme pour les tomates, la moitié du cycle du piment est consacrée à la croissance tandis que l’autre moitié est dévolue au processus de mûrissement.
La couleur finale du fruit est influencée par la température. La couleur se développe harmonieusement lorsque la température oscille entre 18 et 24°. Au-delà de 27°, les fruits prennent une couleur jaunâtre. En-dessous de 13°, le processus de maturité est stoppé. Tout comme les tomates, les piments continuent de prendre de la couleur et de mûrir après avoir été récoltés. Certaines variétés, tel le Cayenne, se sèchent très facilement.
Pollinisation
Les fleurs de piments sont un peu délicates quant aux fluctuations de température. Si la température durant la nuit est trop élevée (au-delà de 29°) ou si elle est trop basse (vers 5°), les fleurs vont couler. La mise à fruit optimum se manifeste lorsque les températures durant la nuit se situent entre 12 et 16°. Cependant, si, durant le reste de l’été, les températures de la nuit ne sont pas plus élevées, les piments vont contenir peu de semences ou pas du tout. C’est souvent ce qui arrive lorsque les étés restent très frais dans certaines régions. Le manque de semences influe de façon importante sur la taille des fruits.
En effet, en se développant, les semences libèrent une hormone, l’auxine, qui favorise la croissance harmonieuse des fruits. Peu de graines signifie peu d’auxine et donc des fruits de petite taille et souvent malformés. La température idéale, durant la nuit, pour une belle formation de fruits semble se situer entre 17 et 21 °C.
Les fleurs de piments sont parfaites et auto-fécondes. Cependant, des hybridations inter-variétales, et même inter-spécifiques, peuvent se manifester dont la fréquence varie en fonction de l’environnement et de la nature et quantité d’insectes pollinisateurs. Le mode de reproduction des piments est ainsi une autogamie préférentielle.
Selon certains instituts de recherche, il existe 80 % de chances d’hybridation intervariétale. Ainsi, en Inde, Murthy, en 1962, a rapporté jusqu’à 68 % de pollinisations croisées. Le degré élevé de pollinisations croisées est dû premièrement à la présence de nombreux insectes pollinisateurs et secondement au fait que les anthères soient déhiscentes durant 2 à 3 jours après que la fleur se soit épanouie. Avant que la déhiscence ne se manifeste, le stigmate est réceptif au pollen transmis par d’autres plantes de piments.
En régions de climat tempéré, il est ainsi conseillé de séparer différentes variétés de piments par une distance de 50 à 100 mètres. En régions de climat tropical ou sub-tropical, il est ainsi conseillé de séparer différentes variétés de piments par une distance de 500 mètres à 1 km. Nous avons pu observer, dans le sud de l’Inde, par exemple, des fleurs de piments régulièrement visitées par des papillons, des abeilles solitaires ou des guèpes maçonneuses.
Pour une petite production de semences, il suffit d’envelopper une ou deux branches d’une plante dans un morceau de tulle que l’on peut laisser jusqu’à la récolte des fruits. On peut également utiliser un sac de papier que l’on va laisser une semaine. Dans ce cas, il ne faut pas oublier d’étiqueter les fruits qui se sont formés à l’intérieur du sac en papier, lorsque celui-ci est ôté.
Il existe également une autre technique mentionnée par les auteurs aux USA. Elle consiste à recouvrir le bouton floral, juste avant son éclosion, d’une capsule en gélatine pour “forcer” l’auto-fécondation. Lorsque le fruit se forme, il repousse la capsule de gélatine. Pour une production plus conséquente, il faut soit respecter les distances d’isolement, soit mettre sous mini-tunnel de tulle les plantes porte-graines. Dans ce cas, nous conseillons de rassembler sous le même voile les plantes de la même variété.
En effet, lorsque différentes variétés sont protégées sous le même voile, il existe toujours un risque (minime, il est vrai, dans les régions tempérées mais relativement élevé dans les régions tropicales) que des insectes prisonniers à l’intérieur de la cage voilée (mouches, fourmis, pucerons, papillons…) provoquent des pollinisations croisées.
Pour les amateurs de piments forts, signalons quelques exceptions à tout ce qui vient d’être évoqué ci-dessus. En effet, l’espèce Capsicum cardenasii (non domestiquée) ainsi que quelques variétés de Capsicum pubescens sont auto-stériles. Leur mode de reproduction est donc une allogamie stricte. Les insectes sont nécessaires à leur pollinisation et on ne peut donc pas les isoler sous un tunnel voilé.
Production de semences
Lorsque les fruits sont mûrs, il est très aisé de les ouvrir et d’en détacher les semences qui vont sécher naturellement dans une assiette en l’espace de 24 heures. Il est très important de récolter les semences de piments forts ou très forts en se protégeant les mains avec des gants en caoutchouc très épais (les gants peu épais laissent passer la capsaïcine).
Il est tout aussi important de réaliser cette opération en plein air afin d’éviter que les émanations de capsaïcine génèrent des irritations au niveau des yeux ou des muqueuses du nez et de la bouche. Il faut ensuite se laver les mains à grande eau et bien nettoyer tous les ustensiles.
Les semences de piments ont une durée germinative moyenne de 3 ans. Elles peuvent, cependant, conserver une faculté germinative jusqu’à 8 années. Conservées dans des conditions de température (autour de 5 °C) et d’hygrométrie adéquate, les semences de piments sont viables à 80 % après trois années de stockage. Un gramme contient de 150 à 200 semences. Elles sont de couleur crème, jaune ou noire. En règle générale, 1 kg de piments forts va générer de 25 à 100 grammes de semences tandis qu’1 kg de piments doux ou de poivrons va générer de 5 à 50 grammes de semences.
Création variétale
Voici quelques observations, quant aux possibilités d’hybridations entre les différentes espèces, relevées par De Witt et Bosland, auteurs de plusieurs ouvrages sur les piments aux USA : “The Pepper Garden”, “Peppers of the World” et “The Chile Pepper Encyclopedia”.
1. Capsicum annuum se croise abondamment avec Capsicum chinense, sporadiquement avec Capsicum baccatum et Capsicum frutescens et pas du tout avec Capsicum pubescens.
2. Capsicum baccatum se croise sporadiquement avec Capsicum annuum, Capsicum chinense et Capsicum frutescens et pas du tout avec Capsicum pubescens.
3. Capsicum chinense se croise abondamment avec Capsicum annuum, sporadiquement avec Capsicum baccatum et Capsicum frutescens et pas du tout avec Capsicum pubescens.
4. Capsicum frutescens se croise sporadiquement avec Capsicum annuum, Capsicum baccatum et Capsicum frutescens et pas du tout avec Capsicum pubescens.
5. Capsicum pubescens ne se croise avec aucune autre espèce.
Les croisements entre Capsicum annuum et Capsicum chinense sont fertiles. Lorsque Capsicum frutescens pollinise Capsicum annuum, il n’en résulte aucune semence féconde. Par contre, lorsque c’est Capsicum annuum qui pollinise Capsicum frutescens, une petite proportion des semences est fertile. Il est bien sûr très aisé de réaliser des pollinisations croisées entre les variétés d’une même espèce.
Voici quelques conseils pour ceux qui désirent jouer à créer leurs propres variétés. De très hautes températures ou des conditions climatiques humides ont tendance à détruire la viabilité du pollen. Les meilleurs résultats de pollinisation croisée sont obtenus par jour sec et durant les premières heures fraîches de la journée. L’objectif principal est d’empêcher la fleur de s’auto-féconder, ce qui invaliderait toute possibilité d’effectuer des expérimentations. La seule solution est ce qu’on appelle la pré-pollinisation qui consiste à polliniser la fleur une ou deux journées avant qu’elle ne s’épanouisse. Les boutons floraux sont alors assez facilement reconnaissables car ils sont gonflés et d’un joli blanc. Il faut alors procéder à une émasculation, à savoir ôter, avec une pince à épiler, les pétales et les étamines. On peut utiliser une loupe pour plus de précisions. Il faut ensuite transférer le pollen de la plante “mâle”, soit en cueillant une étamine et en la frottant doucement sur le stigmate de la plante “femelle”, soit en recueillant le pollen avec la pointe d’une épingle pour le déposer sur le stigmate. Il n’est pas nécessaire, ensuite, de protéger la fleur pollinisée manuellement car, les pétales étant ôtés, plus aucun insecte ne viendra visiter la fleur. Il faut veiller à étiqueter, de suite, la fleur pollinisée en n’omettant pas de mentionner le nom de la variété parente. Au bout de quelques jours, le fruit va se former si la pollinisation manuelle a été couronnée de succès.
Erosion génétique
Aux USA, selon le Seed Savers Exchange, sur les 1068 variétés de piments doux présentées dans les catalogues de semences en 1981, il n’en restait que 73 en 2004, à savoir une érosion génétique de 57 %.
Nous avons particulièrement été étonnés de ce petit mot par les auteurs du chapitre sur les piments dans l’ouvrage “Histoires de Légumes” publié par l’INRA, organisme public de recherche agronomique :
« La sélection raisonnée du piment est assez récente. Jusque dans les années 1960, les variétés cultivées en Europe étaient des populations locales ou des lignées issues d’une sélection massale effectuée par les agriculteurs eux-mêmes. »
La sélection des piments, pendant 10 000 années, aurait été irraisonnée ! Quelle nouvelle : une poignée d’hybrides modernes ont été créés à partir de variétés anciennes sélectionnées de façon non raisonnée ! Les hybrides F1 raisonnables sont venus à la rescousse pour lutter contre des maladies irraisonnables tombées du ciel. Toutefois, le système ne fonctionne pas très bien. Nous citons les mêmes auteurs :
« Des résistances complètes associées à des gènes majeurs sont déjà utilisés (contre le TMV et les Potyvirus surtout). Cependant, la plupart sont maintenant rendues inefficaces par l’apparition de souches virales ayant un spectre de virulence élargi. D’autres stratégies sont donc recherchées. Il ne s’agit plus de tenter d’éradiquer l’agent pathogène mais de rassembler et d’amplifier tous les paramètres permettant de réduire l’incidence pratique de la maladie dans les conditions réelles de culture et de faire baisser le niveau d’infestation ».
Bravo : effectivement cela ne sert à rien de lutter contre les maladies, il faut plutôt fortifier le terrain. Béchamp avait sûrement raison contre Pasteur. L’agriculture moderne est strictement pasteurienne et elle va s’effondrer sous le poids de ses supercheries et de ses mensonges. Il n’est nul besoin de rechercher de nouvelles stratégies. L’agriculture traditionnelle a fait les preuves de sa durabilité et fertilité.
Dans l’édition 1995 du catalogue officiel, 102 variétés de piments doux étaient inscrites dont 13 variétés non-hybrides parmi lesquelles 6 variétés anciennes, à savoir 6 %. L’édition 2004 du catalogue présentait 159 variétés dont 11 variétés non-hybrides parmi lesquelles 8 variétés anciennes, à savoir 5 %.
Dans le catalogue 2011 du GNIS, sont inscrites 120 variétés de piments-poivrons dont 110 variétés sont des hybrides F1, à savoir 92 %.
Limagrain en détient 90 variétés (82 %), Gautier en détient 10 variétés (9 %), Sakata en détient 5 variétés (4,5 %) et Monsanto en détient 4 variétés (3 5 %).
Limagrain contrôle 82 % des variétés de piments-poivrons F1 du catalogue Français. Quatre groupes, dont Monsanto, contrôlent 99 % de ces variétés. Une concentration “raisonnée”, n’est-ce pas ?