La Baselle, Basella alba, est l’une des 5 espèces reconnues dans le genre Basella appartenant à la Famille des Basellacées. La Famille des Basellacées est une petite famille qui ne comprend que 4 genres botaniques et une vingtaine d’espèces.
Cette présente monographie médicinale va se focaliser exclusivement sur Basella alba car c’est l’espèce la plus commune, la plus cultivée, la plus étudiée – et la plus naturalisée. Elle est même considérée comme “plante invasive” – ce qui est franchement très sympathique – dans de nombreuses contrées : Cambodge, Chine, Philippines, Equateur, Cuba, Colombie, Polynésie Française, Taiwan, Hawaï, etc. [2]
Basella alba, serait originaire de l’Inde et de l’Asie du sud-est et se serait naturalisée en Afrique et dans d’autres régions tropicales de par le monde. Trois autres espèces sont endémiques à Madagascar: Basella excavata, Basella leandriana et Basella madagascariensis. La cinquième espèce, Basella paniculata, est originaire de l’Afrique de l’est.
En fait, l’origine géographique de Basella alba reste hypothétique car son pollen est présent dans la région du Lac Malawi, en Afrique australe, dès le Pléistocène. [1]
Il existe trois types, ou sous-espèces, de Basella alba. Les deux premières possèdent des tiges et des feuilles de couleur vert foncé: l’une avec des feuilles ovales et presque rondes – Basella alba sp. alba – l’autre avec des feuilles en forme de coeur – Basella alba sp. cordifolia. La troisième sous-espèce – Basella alba sp. rubra – possède des tiges rougeâtre avec des feuilles vertes ou rougeâtres qui sont ovales et presque rondes. Cette dernière sous-espèce est parfois cultivée comme plante ornementale.
La Baselle est une plante grimpante ou rampante qui peut atteindre plusieurs mètres d’amplitude – jusqu’à 10 mètres selon certaines descriptions. Elle prospère dans les climats humides et chauds mais on peut néanmoins la cultiver dans les pays tempérés lorsque les étés sont bien chauds. En effet, sa croissance s’arrête lorsque les températures sont inférieures à 14°C. Le spectre de températures idéal pour sa survie se situe entre 10°C et 35°C. Son spectre idéal de précipitations est de 2000 à 2500 mm annuellement – mais elle peut tolérer de 700 à 4200 mm.
En France, elle est, également, appelée “Epinard de Malabar” ou “Epinard de Ceylan”. C’est une espèce alimentaire et médicinale extrêmement prolifique dans de multiples situations de culture, de conditions atmosphériques et de sols. Elle est extrêmement résistante à ce que l’on dénomme “des pathologies végétales”.
Sur une période de 75 jours, Basella alba produit une quarantaine de tonnes de bio-masse alimentaire par hectare. Son mode photosynthétique se caractérise par une fixation du carbone en C4.
Elle est, ainsi, vivace dans les zones tropicales – à savoir, du moins, qu’elle peut prospérer durant quelques années. Elle se reproduit ou par semences ou végétativement – en repiquant tout simplement un morceau de tige (de 20/30 cm de longueur) ou un morceau de rhizome. Elle peut même former de nouvelles racines dès qu’un noeud foliaire touche le sol.
Basella alba ne fleurit que lorsque la durée du jour est inférieure à 13 heures. Ses semences germent en 10-21 jours et requièrent une température ambiante de 18°C à 21°C. Il est conseillé de tremper les semences durant 24 heures avant le semis – afin de favoriser leur germination.
La Baselle a été cultivée comme légume, depuis des temps immémoriaux, dans les zones tropicales. Elle fut introduite en Ecosse en 1689 et en Angleterre en 1691. Deux rapports agronomiques, datant de 1824 et de 1829, font état de sa culture en France. Elle fut introduite aux USA en 1863.
Ses feuilles – très mucilagineuses – contiennent environ 20% de protéines, 3,5% de lipides, 55% d’hydrates de carbone et 10% de fibres. Elles sont, de plus, très riches en vitamines A, C, E, K, B9 (acide folique), thiamine, riboflavine, niacine, bétacynanine et en acides phénoliques – tels que les acides vanillique, syringique et férulique. Elles contiennent les acides aminés suivants: arginine, leucine, isoleucine, lysine, thréonine et tryptophan.
Basella alba contient, également, de l’acacétine (un flavone), de l’anthraquinone (un pigment), des basella-saponines, du béta-sitostérol, du béta-carotène, du bétavulgaroside, de la rutine (un flavonoïde), de l’acide linoléique, du lupéol (un triterpénoïde), de la momordine (une saponine), de l’acide uronique.
La Baselle a été utilisée par la Médecine Ayurvédique depuis fort longtemps. Son nom en Sanskrit est “Upodikā”. Elle y est réputée pour son activité androgénique, anti-ulcère, anti-oxydante, anti-microbienne, cyto-toxique, anti-inflammatoire, vulnéraire, neuro-protectrice, etc.
Une étude de Basella alba sp. rubra a été publiée, en juillet 2016, par l’Institut de Technology de Delhi en Inde. [7] Les chercheurs ont passé en revue de nombreuses propriétés médicinales de cette sous-espèce.
Deux nouveaux peptides (α- et β-basrubrines) y ont été isolés, de ses graines, possédant une forte activité anti-fongique à l’égard des champignons Botrytis cinerea, Mycosphaerella arachidicola et Fusarium oxysporum.
Ses graines ont été étudiées pour leur activité anti-carcinogénique de par leur contenu en bétalaïnes, en flavonoïdes et en composés phénoliques. Les pigments majeurs isolés sont la bétanine, l’isobétanine et la gomphrénine; les flavonoïdes sont la myricétine, la quercétine, l’apigénine, la lutéoline et le kaempférol ; les composés phénoliques sont les acides chlorogénique, férulique, coumarique et sinapique. Les extraits de ses semences ont montré une forte activité à l’encontre du cancer du col de l’utérus. [6]
Les feuilles et les fleurs possèdent une forte activité anti-oxydante et anti-inflammatoire. Il en est de même pour les semences de par leur teneur en gomphrénine.
De manière générale, cette étude a, également, mis en exergue, chez Basella alba sp. rubra, ses capacités toniques, anti-cholestérol, anti-ulcères, anti-microbiennes, anti-hypoglycémiques, gastro-protectrices, androgéniques et immuno-modulatrices.
Voici ce que rapporte l’ouvrage, publié en 1994, intitulé “Indian Medicinal Plants” (en page 253) au sujet de Basella alba sp. rubra dans la Médecine Ayurvédique : «Les feuilles et les tiges sont douces, rafraichissantes, émollientes, aphrodisiaques, laxatives, hémostatiques, appétantes, sédatives, diurétiques, démulcentes et toniques. Elles sont utilisées pour les conditions viciées de pitta, les sensations de brulures, la constipation, les flatulences, l’anorexie, les hémorragies, l’hémoptisie, les insomnies, le prurit, la lèpre, l’urticaire, les ulcères, la dysenterie, la gonorrhée, la balanite, les décollements cutanés, la fatigue et la faiblesse généralisée. Elles sont particulièrement bénéfiques comme laxatif pour les enfants et les femmes enceintes».
Voici quelques usages médicinaux, de Basella alba, répertoriés par de multiples études ethno-botaniques de par le monde.
Dans la médecine traditionnelle Thaïlandaise, le mucilage a été utilisé, en application externe, pour les contusions, pour la teigne et les feuilles sont utilisées comme diurétique, antipyrétique et léger laxatif.
En Médecine Chinoise, la totalité de la plante est utilisée afin de traiter les fièvres, la constipation, les inflammations et d’éliminer les poisons – et de faciliter l’accouchement.
Au Cameroun, ses feuilles sont utilisées pour la malaria, pour l’asthénie sexuelle et pour la stérilité. [27] Au Nigeria, la Baselle est utilisée pour soigner l’hypertension, la stérilité, l’eczéma, la teigne, les infections cutanées et l’anémie et pour ses propriétés anti-convulsives, analgésiques, androgéniques, anti-fongiques, anti-inflammatoires.
Selon l’ouvrage “Handbook of African Medicinal Plants” (en page 22), Basella alba est utilisée, médicinalement, en Afrique pour les fièvres, pour les conjonctivites et comme laxatif.
Au Congo, Basella alba est utilisée dans la médecine vétérinaire – en association avec les fruits de Solanum sysymbrifolium (Morelle de Balbis) et avec les fruits de Phoenix reclinata (le Dattier du Sénégal) – pour favoriser les impulsions sexuelles et la fertilité chez les animaux domestiques.
En Uganda, Basella alba est, également, utilisée dans la médecine vétérinaire pour favoriser la production de lait maternel et pour l’expulsion complète du placenta à la naissance.
En Ayurvéda, elle est utilisée pour les hémorragies, les maladies cutanées, les ulcères, les asthénies sexuelles. Les racines cuites sont utilisées dans le traitement de la diarrhée. Le jus des feuilles est un émollient utilisée pour traiter la dysenterie. Un cataplasme est confectionné avec les racines pour soigner les gonflements et en tant que rubéfiant. Le jus est appliqué sur l’acné pour soulager l’inflammation. Une décoction des feuilles est utilisée en tant que léger laxatif. Les feuilles hachées sont appliquées sur les furoncles et sur les ulcères pour les faire mûrir. Le jus des feuilles est utilisée pour les affections catarrhales. Le jus des feuilles, mélangé à du beurre, est utilisé pour traiter les brulures et les échaudures. La consommation des feuilles permet aux hommes de mieux fixer la vitamine A. [9]
Au Bangladesh, selon Chatchawal et al., 2010, les semences immatures sont utilisées pour traiter les pathologies intestinales, les maux d’oreilles, la gale, les coliques, les maux de gorge, les flatulences, les démangeaisons, les pathologies hépatiques – et pour fortifier le sang.
De plus, les feuilles et les tiges sont utilisées dans le traitement des cancers – en particulier la leucémie, le mélanome et les cancers de la bouche. Les feuilles et les racines sont utilisées pour faciliter l’expulsion du placenta, pour les douleurs stomacales et pour accroitre la production de lait maternel. La plante est utilisée pour les rhumes, la toux et pour accroitre l’appétit chez les femmes enceintes. Les feuilles sont utilisées pour la constipation, l’urticaire, la gonorrhée. Une macération de la plante est utilisée pour la stérilité, les inflammations pelviennes, l’épididymite, l’orchite et le risque d’avortement. Le mucilage des feuilles et des tiges est utilisé pour soigner les maux de tête récurrents. Le jus des fleurs et des feuilles a été utilisé pour traiter les inflammations cutanées. Les feuilles mâchées permettent de soulager les aphtes.
Selon le célèbre et antique Traité Médicinal de l’Ayurvéda, le “Charaka Samhita”, Basella alba est utilisée seule, ou en complexe, pour traiter les pathologies suivantes : “mada” (intoxication), “anidrā” (insomnie), “paādadari” (pieds fissurés), “jvara” (fièvre), “pravaāhikaā” (dysenterie), “arśhas” (hémorroïdes), “vranaśotha” (inflammations), “arbuda” (tumeurs), “raktapitta” (saignements).
Des études de 2013, 2017 et 2019 ont mis en exergue l’activité anti-microbienne de Basella alba à l’encontre de: Staphylococcus aureus, Escherichia coli, Salmonella typhimurium, Aspergillus niger, Aspergillus flavus, Bacillus cereus, Klebsiella pneumonia et Vibrio cholerae. [3] [16] [30] Une étude antérieure, de 2018, a mis en exergue, également, son activité anti-bactérienne – ainsi que celle de Nepeta cataria – à l’encontre de Acinetobacter baumannii, une bactérie fortement impliquée, récemment, dans les infections nosocomiales et qui est devenue résistante à de nombreux antibiotiques dont le Carbapenem. [4]
De récentes investigations pharmacologiques [21] ont mis en exergue que son mucilage possède des propriétés hépato-protectrices [22], hypoglycémiques [12], gastro-protectrices [13], anti-inflammatoires [14] [15], vulnéraires [17] [18], anti-mutagéniques [29], anti-carcinogéniques [19], anti-pyrétiques [5] et dépressives du système nerveux central [23].
L’activité tonique des feuilles de Basella alba, et de l’isoflavone génistéine, a été évaluée dans des expérimentations sur la croissance d’une espèce de Tilapia – Oreochromis niloticus. [8]